Gaetano Scirea, le gentleman

Gaetano Scirea, le gentleman

9 septembre 2022 0 Par Richard Coudrais

Parmi les joueurs italiens qui remportèrent la Coupe du monde 1982, Gaetano Scirea fut le premier disparu, à l’âge de 36 ans, sept ans après le triomphe de Madrid.


Sa disparition avait provoqué un vif émoi dans toute l’Italie. Il n’avait mis fin à sa carrière de footballeur que quinze mois plus tôt et son image était encore très présente dans l’esprit des suiveurs du foot. Gaetano Scirea était une figure de l’équipe d’Italie championne du monde en 1982. Un libéro au jeu sobre et sûr, doté d’une attitude exemplaire et d’une autorité de velours.


Passe décisive


En Espagne, il avait réalisé un tournoi admirable. Libéro à l’Italienne, posté derrière les autres défenseurs pour couvrir toute défaillance, il profitait de sa relative liberté pour se projeter en attaque. Il aurait pu marquer un but au premier tour s’il ne s’était pas précipité quand il se retrouva seul devant le gardien péruvien Ramon Quiroga. En finale, on le vit remonter le ballon jusqu’à la surface adverse, tel un Beckenbauer à qui on le comparait souvent. Après un échange avec le jeune Bergomi, il fixa deux défenseurs allemands et transmit le ballon à Tardelli, lequel trompa Schumacher et donnait un avantage décisif à la Squadra Azzurra.

Sur cette action, Gaetano Scirea, par la sûreté de ses gestes et de ses initiatives, avait démontré qu’il connaissait le métier d’attaquant. Et pour cause, c’est celui qu’il occupait gamin dans le club de Cinisello Balsamo, la cité lombarde où il naquit en 1953. Il avait ensuite rejoint l’Atalanta Bergame, à l’âge de dix-sept ans, où d’attaquant prometteur on en fit un milieu de terrain, avant qu’un entraîneur inspiré, Giulio Corsini, le place derrière la défense, dans cet emblématique rôle de libéro créé par et pour le football italien.

Ce fut une telle réussite que très vite le club lombard s’avéra trop étroit pour Gaetano Scirea. La Juventus était déjà à l’affût de jeunes talents pour renouveler son équipe vice-championne d’Europe. Elle avait déjà recruté Claudio Gentile en 1973 et attira donc le libéro de Bergame l’été suivant, en attendant les arrivées de Marco Tardelli l’année suivante, puis d’Antonio Cabrini deux ans plus tard.


Azzuri


Le printemps 1975, celui de ses 22 ans, fut celui des premières consécrations. Il obtint son premier scudetto avec la Juve et avait rejoint l’équipe d’Italie pour un match non officiel au stade olympique de Rome où l’équipe des États-Unis se fit pulvériser 10-0. Le sélectionneur Fulvio Bernardini l’invita ensuite en plusieurs occasions à s’asseoir sur le banc.

C’est finalement Enzo Bearzot, devenu co-sélectionneur avec Bernardini, qui lui donna sa première vraie sélection en décembre 1975 pour un match amical à Firenze contre la Grèce. Gaetano Scirea mit du temps à s’installer dans l’équipe italienne. Il ne comptait que sept sélections quand on l’embarqua pour la Coupe du monde en Argentine, mais il y devint définitivement titulaire.

Gaetano Scirea faisait ainsi partie de la frange turinoise sur laquelle s’appuya durant pratiquement tout son mandat le sélectionneur Enzo Bearzot. En Argentine, ils étaient au nombre de huit (Zoff, Scirea, Gentile, Cabrini, Benetti, Causio, Tardelli, Bettega) et la sélection italienne fut l’une des meilleures équipes du tournoi, échouant malgré tout à la quatrième place. Désignée favorite de l’Europeo organisé sur ses terres en 1980, la Squadra ne tient malheureusement pas son rang, échouant à une médiocre quatrième place alors que le pays était quelque peu secoué par le scandale du Totonero survenu quelques semaines avant le début du tournoi.

En 1982, ils sont encore six joueurs de la Juventus titulaires indiscutables de la sélection italienne : Zoff, Scirea, Gentile, Cabrini, Tardelli et le miraculeux Paolo Rossi dont la présence bouleversa la destinée de l’équipe italienne. Avec la Juventus, Scirea avait déjà conquis la Coupe de l’UEFA en 1977 et le club, désormais dotés de six champions de monde, renforcé par deux étrangers d’exception (le Français Platini et le Polonais Boniek), se lança à la conquête des autres trophées européens


Capitaine


Quand Dino Zoff mit fin à sa carrière, le brassard de la Juventus fut confié à Gaetano Scirea. C’est lui qui souleva à Berne la Coupe d’Europe des vainqueurs de Coupes. C’est à lui un an plus tard que l’on remit, en catimini, la Coupe d’Europe des Champions remportée à l’issue de la dramatique nuit du Heysel.

Il disputa sa troisième Coupe du monde au Mexique en tant que capitaine de l’équipe d’Italie, mais l’aventure tourna court puisque les champions du monde en titre furent sortis dès les huitièmes de finale par la France de son coéquipier Platini. Ce fut la 78e et dernière sélection de Gaetano Scirea, qui décida à 33 ans de mettre fin à sa carrière internationale.

Il joua encore deux ans avec la Juventus, le temps de devenir le joueur le plus capé de l’histoire du club. Après quatorze ans passés à défendre la Vieille Dame, il pouvait s’honorer d’un palmarès exceptionnel, avec la Coupe du monde et les trois Coupes d’Europe mises en jeu, exploit qu’il partageait avec le seul Marco Tardelli. Il comptait également sept titres de champion d’Italie, deux Coppa Italia, une Supercoupe d’Europe, une Coupe intercontinentale et probablement d’autres trophées de moindre importance.


Sur une route en Pologne


Sa carrière terminée, il prit en charge la direction de l’équipe réserve de la Juve tout en assurant le rôle d’adjoint du nouvel entraîneur du club, son ancien coéquipier Dino Zoff. Scirea était également chargé de superviser les adversaires de la Juve. En septembre 1989, il se rendit ainsi en Pologne pour observer Górnik Zabrze, futur adversaire du club piémontais en Coupe de l’UEFA.

A l’issue du match, un dimanche après-midi, il fut conduit en voiture vers l’aéroport où il devait prendre l’avion pour Turin. Mais au niveau du village de Babsk, près de Łódź, la voiture percuta un fourgon et s’enflamma rapidement à cause de bidons d’essence stockés dans le coffre. Trois des quatre personnes présentes dans le véhicule succombèrent, dont Gaetano Scirea.

La nouvelle fut annoncée dès le dimanche soir à la télévision italienne, dans l’émission La Domenica Sportiva, provoquant une onde de tristesse dans tout le pays. Son ancien coéquipier, Marco Tardelli, présent à l’émission, fit un malaise et dut quitter le plateau.

Le nom de Gaetano Scirea est aujourd’hui donné à un prix attribué par les journalistes italiens au joueur le plus fair-play de la Serie A. Plusieurs rues, à Turin et dans son village natal, portent également son nom, de même que de nombreuses installations sportives.


À lire aussi :


Photo Icon Sport