Audax : club chilien fondé par des Italiens

En 1910, trois italiens créent un club de cyclisme près de Santiago, au Chili. La section football ouvrira au début des années 1920, pour devenir une équipe importante du pays.

Les passionnés de cyclisme connaissent peut-être le terme « Audax ». À la fin du XIXe siècle, Vito Pardo et d’autres décident de créer une course pure, reliant Rome à Naples d’une traite. Mais les règles sont spéciales : il faut terminer l’épreuve en groupe, en moins de 18 heures.

Facile ? Pas vraiment, vu l’état des routes et les vélos de l’époque. Pour autant, le principe d’épreuve sportive en équipe, pour se dépasser, franchit les frontières et se développe par exemple en France. Que signifie « Audax » ? Ce terme latin veut tout simplement dire audacieux.

L’émigration italienne

De l’audace, il en faut pour les milliers d’Européens, et plus particulièrement d’Italiens, quittant le continent à la fin du XIXe siècle pour rejoindre l’Amérique du Sud. L’objectif ? Trouver du travail. Nicolas Cougot, fondateur de Lucarne Opposée, explique : « Selon les chiffres, il y a entre 150 000 et 600 000 descendants d’Italiens au Chili (la fourchette est large mais ce sont les chiffres donnés par trois campagnes de recensement). Le plus fort de l’immigration italienne remonte à la fin du XIXe – début du XXe, principalement dans les régions de Santiago et Valparaiso à l’époque. La migration était forte, on parle de plus de 10 000 italiens qui ont migré au Chili sur cette période. »

De quoi nouer des relations fortes entre les deux pays : « Lors du centenaire du pays, en 1910, le gouvernement italien avait fait don d’une statue qui trône désormais sur une place centrale de Santiago, que l’on appelle toujours communément la Plaza Italia. Les italiens ont beaucoup participé à l’industrialisation du Chili, ils ont aussi fondé des clubs de sport, d’abord essentiellement de cyclisme. »

Une roue et des titres

En novembre 1910, trois Italiens (Alberto Caffi, Ruggero Cozzi et Amato Ruggieri) créent en effet l’Audax Club Ciclista Italiano, d’où la roue de vélo sur le logo. Il faut attendre 1917 pour voir la première équipe de football du club, et 1921 pour que sa branche foot soit officiellement créée. Viendront aussi des sections athlétisme, boxe ou encore natation.

L’histoire est lancée, et Los Itálicos s’offrent une place assez solide dans le paysage footballistique du pays. Nicolas Cougot : « En termes de palmarès, ils ont quatre titres mais ne sont pas considérés comme un géant. Leur dernier titre remonté à 65 ans. Ils n’ont par exemple participé qu’à trois Copa Libertadores (en comptant ce tour préliminaire cette saison) et à trois Sudamericana. Après, historiquement, c’est l’un des clubs fondateurs du championnat, ça fait 26 ans qu’il n’est plus descendu. Il fait partie de décor. »

Identité en évolution

Mais cent-un ans après sa fondation, que reste-t-il des racines italiennes du club ? « Tu trouves des descendants italiens dans les rangs des supporters, mais le club ne joue pas à fond dessus. (…) Audax était donc vraiment le club des Italiens sur ses premières années, mais cela ne se retranscrivait pas forcément sur l’équipe. Car les Italiens se sont vite fondus dans le pays, se sont rapidement intégrés et mélangés. »

Et au niveau de la direction ? « Il y a cependant longtemps eu une descendance italienne au niveau des dirigeants, qui était une vraie tradition, jusqu’à la famille Antillo qui vient de vendre le club. Le nouveau président, Gonzalo Cilley, à la tête d’investissements argentins, ne semble pas avoir cette filiation italienne. Cela a d’ailleurs fait quelque peu parler. On va voir dans quelle direction il emmène le club, s’il revient appuyer sur les origines ou non. »

Malgré une dilution des Italiens dans la société chilienne et un démarquage progressif des racines azzurre du club, certains symboles persistent. Le logo, d’abord, évidemment, avec ce drapeau italien en plein milieu, qui a remplacé en 1950 la Croix de Savoie, également liée à l’histoire transalpine.

Les symboles restent

Enfin, marqueur tout aussi majeur, les maillots de l’équipe gardent les traces des origines. Le domicile ? Toujours vert, avec un short blanc, et ce depuis des décennies. Deux des couleurs du drapeau italien, auxquelles ont parfois été rajoutées des rayures rouges. L’extérieur ? Même idée, avec un short blanc et un maillot bleu, suivant fièrement la tenue traditionnelle de la Nazionale.

Un club fondé par des Italiens au Chili il y a cent ans. Une tradition qui résiste, malgré l’effet du temps et du foot business. Une équipe de foot avec une roue de cycle sur son logo. Qu’est-ce que l’Audax ? C’est ça.

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Photo Audax Italiano