Faut-il rappeler son ex (entraîneur) ?
La Juventus a fait revenir Max Allegri sur le banc cet été et ses débuts sont mitigés. Un mauvais choix de la Vieille Dame, ou plus globalement une politique à ne jamais adopter : celle de vouloir reprendre une histoire du passé ?
Un temps attirée par la nouveauté (Sarri puis Pirlo), la Juve, en manque de résultats, s’est tournée vers sa dernière relation longue durée : Max Allegri, resté de 2014 à 2019. Revenu en août, l’ancien joueur de 54 ans affiche un bilan mitigé en Serie A : deux victoires à l’arrachée contre Spezia et la Samp, deux nuls et deux défaites. Peu de plaisir, peu de spectacle, malgré deux victoires en Ligue des champions. Mais plus que les résultats – les premières semaines sont forcément du rodage pour un nouvel entraîneur, surtout lorsqu’il faut reprendre ses habitudes – ce sont les choix et le discours qui inquiètent. Et le problème de communication, ce n’est jamais bon.
Là où il faisait rire ou surprenait lors de son premier passage avec ses conférences nonchalantes, ses bons mots sur les courses hippiques, ses comparaisons avec la NBA et la justification de ses décisions en prônant son instinct, Allegri parait désormais livrer du réchauffé, voire du périmé. Et les non-titularisations de De Ligt et Chiesa, pourtant parmi les meilleurs éléments du groupe, à répétition depuis l’été, ne trouvent pas d’explication cohérente, au point de créer des tensions, déjà.
Alors, fini, le quintuple champion de Serie A et double finaliste de la Ligue des champions avec la Juventus, ou erreur d’avoir voulu le faire revenir ? Les clubs italiens ayant tenté de raviver une belle histoire sont légion. Les dénouements heureux, moins. Pour réduire le champ, concentrons-nous sur les grands clubs et les 25 dernières années. Une façon habile, également, de mettre de côté la Fiorentina ou encore le Genoa, adeptes du rappel d’entraîneur de manière quasi infinie.
Milan et l’Inter le savent
L’exemple parfait d’un retour raté ? Le Milan du tournant des années 1980-1990, meilleure équipe de la décennie en Europe. Le mari exigeant Arrigo Sacchi a tout remporté entre 1987 et 1991. Il revient en cours de saison 96-97. Résultat ? Les Rossoneri finissent onzièmes et l’entraîneur s’arrête pendant un an. Son successeur en 1991, Fabio Capello, qui reste en poste jusque 1996, remporte une Ligue des champions et quatre Serie A ? Il revient en 97-98 pour une saison unique, au bout de laquelle l’AC Milan termine dixième.
Aussi sévère ? Le cas de Roberto Mancini à l’Inter. Trois scudetti (dont deux après les titres retirés à la Juve) entre 2004 et 2008 ainsi que deux Coupes d’Italie. Son retour entre 2014 et 2016 ? Ponctué d’une huitième et d’une quatrième places.
La faute à qui ?
Évidemment, lorsque Capello revient à Milan et Mancini à l’Inter, les atouts des équipes ne sont plus vraiment les mêmes. Ibrahimovic, Adriano, Cambiasso et Zanetti ont été remplacés par Nagatomo, Melo, Biabiany et Eder tandis que Capello récupère un Milan privé de Baresi et Tassotti, partis à la retraite.
Et Allegri, équipe amputée ? CR7 n’est plus là, tout comme les cadres de ses épopées européennes. Pogba, Marchisio, Tevez, Vidal ou encore Pirlo ont disparu, et il doit composer avec Arthur, Bentancur, McKennie, Rabiot, Ramsey ou encore Locatelli au milieu. Des bons joueurs, mais une baisse qualitative après avoir eu des seigneurs à ses ordres.
Si l’entraîneur a accepté de revenir, il doit poliment éviter de mentionner un effectif au rabais. Cela signifie-t-il qu’un club rappelant un ancien va, forcément, lui proposer un projet en berne ?
Je t’aime, moi non plus
Le phénomène des ex n’existe pas qu’en Italie. Mourinho, Zidane, Ancelotti, Heynckes, Luis Fernandez et bien d’autres ont connu des fortunes diverses. Des deuxièmes histoires possibles, évidemment, uniquement si la première ne s’était pas terminée sur une dispute irréconciliable.
Un retour qui se passe bien ne tient pas qu’à l’entraîneur. Le mercato, l’effectif à disposition, la politique du club, la pression mise ou, au contraire, le temps qui lui est laissé, sont la responsabilité du club. Et s’il n’a pas toutes les cartes en main, le coach fait un gros pari. En cas de réussite, il conforte son statut de très grand (Zidane, Trapattoni, Heynckes…) ou peut se relancer (Spalletti, si Ancelotti réussit au Real).
Mourinho expliquait en 2019 : « Revenir dans un club où je suis déjà passé ? Si je pense que c’est le bon club, avec une bonne structure et les bonnes ambitions, je n’aurais aucun problème. Je pense que c’est une raison d’être fier quand un club avec lequel vous avez travaillé souhaite votre retour. »
Mais en cas de passage raté ou écourté (Jardim), l’entraîneur sera, encore plus, le coupable idéal. On n’aurait jamais dû le rappeler. Le club fautif ? Impossible : faire revenir une gloire pour mener l’équipe, rien de plus honorable. Et ce n’est pas de la faute du club si le Mister n’a plus la bonne recette, n’a pas su emmener avec lui une partie du vestiaire avec qui il était en froid ou n’a pas pu se renouveler. Un casse-tête pour Allegri et consorts, parfois aveuglés par le choix du coeur et l’envie de ranimer une belle histoire, face à un club exigeant qui joue la carte nostalgie mais peut très vite se désolidariser.
Motifs d’espoir
Attention, qui dit appel d’une ancienne équipe ne veut pas forcément dire piège tendu ou bourbier. À la Roma, Luciano Spalletti s’en est bien sorti. Entre 2005 et 2009, il mène trois fois la Louve sur la deuxième marche du podium et remporte deux Coupes d’Italie. Il y revient de janvier 2016 à l’été 2017, et arrache une deuxième place derrière une Juve en feu. Avec, il faut le souligner, Manolas, Nainggolan, Florenzi, Dzeko, Salah… Pas vraiment une baisse qualitative.
Autre deuxième expérience plutôt positive, celle de Trapattoni à la Juventus. S’il remporte 6 Serie A, la Coupe des Coupes, la Coupe UEFA et la Coupe des clubs champions lors de sa décennie chez la Vieille Dame entre 1976 et 1986, ses trois années 1991-1994 ne sont pas à jeter. Deux deuxièmes places en championnat, derrière le Milan de Capello, et une Coupe UEFA en plus au compteur, on a fait pire. Comme Spalletti, il faut dire que le Trap’ a été bien accueilli : Vialli, Torricelli, Conte, Peruzzi, Baggio… Un effectif composé de très gros noms.
Chaque histoire est unique. Certaines sont faites pour reprendre, d’autres non. Faut-il rappeler son ex ? Et si la vraie question n’était pas, plutôt, faut-il se remettre avec un ex qui rappelle ? Réponse dans quelques semaines pour Allegri.
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