Fratelli d’Italia : les 5 Cevenini
Premier volet de notre série sur les dynasties et les fratries du football italien avec la famille Cevenini. Cinq frères, tous joueurs au début du XXe siècle. Entre Histoire, derby et chiffres romains.
Le 26 décembre 1920 restera à jamais un jour unique. Au Campo di Via Goldoni, l’Inter Milan accueille l’US Milanese pour un des derbys de la capitale lombarde. Les annales ne retiendront pas le score ou le déroulé de la rencontre mais la composition d’équipe coté nerazzurro. Aebi, Agradi, Beltrame, Bocchi, Campelli, Cevenini I, Cevenini V, Cevenini IV, Cevenini III, Cevenini II, Da Sacco.
Et 1, et 2, et 3, et 4, et 5 !
Au coup d’envoi, Aldo Cevenini, Mario Cevenini, Luigi Cevenini, Cesare Cevenini et Carlo Cevenini sont sur la pelouse. Des cousins ? Des homonymes ? Non. Pour la seule fois de l’histoire (à ce jour), cinq membres de la même famille sont alignés dans la même équipe pour un match. Et des frères, pour couronner le tout ! Afin d’éviter la confusion, et depuis quelques mois, les journaux les ont affublés de chiffres romains pour les différencier.
Face à un US Milanese qui fusionnera avec l’Inter à la fin des années 1920 sous l’impulsion du régime fasciste, les nerazzurri l’emportent 2-1, grâce à des buts d’Aldo et Luigi. Avec cinq Cevenini sur le terrain1, il aurait été étonnant qu’aucun ne marque…
Carlo le maudit
La saison précédent ce match aura, également, une saveur particulière pour la famille Cevenini. Alors que la Prima Categoria, ancêtre de la Serie A, reprend enfin ses droits quelques mois après la fin de la Première Guerre mondiale, quatre frères évoluent au sein de l’Inter Milan en 1919-1920. Seul Carlo, le plus jeune, attaquant de talent, a la mauvaise idée d’être encore à l’AC Milan.
Dans un championnat divisé en deux catégories distinctes, Nord et Centre-Sud, l’Inter se qualifie pour la finale nationale face à Livourne. Au terme d’une victoire 3 à 2, Aldo, Mario, Luigi et Cesare remportent la première saison jouée depuis 1914-1915.
Cesare et les cicatrices de la guerre
Malgré la joie, les Cevenini ont, comme toute l’Italie, encore un peu la tête à la guerre. 1918 restera la pire année du pays lors du conflit 14-18, avec plus d’un tiers des pertes totales lors des mois précédant la fin de la guerre. Autant pour l’armée que pour les civils, très fortement touchés par la famine et la grippe espagnole.
La guerre, Cesare2, le deuxième plus jeune de la fratrie, la connait particulièrement, bien que brièvement. Recruté d’urgence peu avant ses 18 ans après la terrible défaite italienne de Caporetto, il est envoyé en hâte dans le nord montagneux de l’Italie. Le défenseur reviendra du front les pieds gelés. Cela n’empêchera pas le seul des frères à n’avoir jamais joué officiellement pour l’AC Milan d’être le bon dernier à rendre l’âme, à 97 ans, en 1996.
Aldo, Première !
L’Histoire, Aldo y contribue d’une autre manière. L’ainé de la fratrie fait partie de la première équipe d’Italie jamais constituée. Le 15 mai 1910, il est aligné dans l’Arena Civica de Milan pour affronter la France. Le résultat ? Une victoire improbable 6-2 pour la Nazionale face à une équipe ayant « déjà » six années d’existence.
Le stade (4000 à 8000 spectateurs selon les sources) sera tellement en liesse que les joueurs seront récompensés par des envois de cigarettes depuis les tribunes. Et le fait que les Français aient dû arriver la veille après 16 heures de train de nuit n’atténuera pas les mérites de Cevenini I et de ses coéquipiers. Aldo finira sa carrière de milieu offensif élégant avec onze sélections au compteur. Et restera associé au nom du buteur belge Louis Van Hege comme l’un des plus beaux duos offensifs de l’AC Milan.
Mario, entre sifflet et pneus
Cevenini II n’aura pas été un très grand joueur, malgré ses deux titres de Serie A. Le deuxième de la fratrie se démarquera en revanche pour deux anecdotes liées à la fin de sa carrière. Juste après avoir raccroché les crampons, Mario devient arbitre. Un des rares joueurs à suivre cette voie.
Sa passion du sifflet assouvie, l’ancien défenseur poursuit une tradition italienne et part s’installer en Argentine, à Buenos Aires. Où il devient directeur d’une usine de fabrication de pneus Pirelli… Futur sponsor mythique de l’Inter Milan.
Luigi, l’art et la fugue
Incontestablement, Cevenini III est le plus doué des cinq frères. L’attaquant comptabilise 11 buts en 29 sélections, porte à plusieurs reprises le brassard de la Squadra Azzurra et totalise 158 réalisations en 190 matches avec l’Inter.
Virevoltant, Luigi l’est autant par son jeu que par son bagou. Il parle tellement qu’il est surnommé « Zizi », en référence au bruit d’une mouche qui ne cesse d’agiter ses ailes. Taquin envers les adversaires, Cevenini III a également tendance à rabrouer ses partenaires et à se plaindre auprès de l’arbitre. À tel point que Mario, son frère ayant pris le sifflet, refusera d’officier lors de toute rencontre de l’équipe de « Zizi ».
Niveau comportement non plus, Cevenini III n’est pas un discret. L’anecdote la plus folle3 le concernant reste sa disparition de Milan, quelques jours avant un match importantissime. La raison ? Sans avertir qui que ce soit, Luigi décide d’aller tenter sa chance en Angleterre et de passer des tests chez plusieurs équipes de l’élite. Des tests réussis mais sans suite puisque, aussi soudainement, il disparait de Londres et revient dans la capitale lombarde.
Bis repetita à IV
Après le titre avec l’Inter Milan en 1919-1920, quatre Cevenini remportent à nouveau le championnat en 1921-1922. Mais cette fois-ci, ce ne sont pas exactement les mêmes.
Aldo, Luigi, Mario et Carlo ont la bonne idée d’évoluer ensemble avec Novese, club du Piémont fondé deux ans auparavant et champion d’Italie. Cette fois, c’est Cesare, resté à l’Inter, qui ne soulèvera pas le trophée.
Les Cevenini. Une histoire de famille. De football. Complètement folle. Et qui a 100 ans.
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Images à la Une : photographie d’archive de l’Inter Milan.
- https://www.inter.it/it/news/2009/12/26/storia-quel-santo-stefano-di-89-anni-fa.html
- http://www.magliarossonera.it/protagonisti/Gioc-CeveniniIV.html
- Antonio Ghirelli, Storia del calcio in Italia