De l’importance de dégager en touche

De l’importance de dégager en touche

2 mars 2017 1 Par Nicolas Basse

Ressortir le ballon proprement est la base de toute action construite. Mais parfois, il faut se résoudre à balancer le plus loin possible. Un geste important qui demande une grande lucidité… Et procure un certain plaisir.

Depuis des années, les apôtres du footballistiquement correct nous expliquent que seule la relance propre a sa place sur les terrains et que tout autre geste devrait être puni voire moqué sur la place publique. C’est évident, un ballon bien ressorti à la manière du Napoli ou de l’AS Roma ces dernières années permet une remontée rapide vers le but adverse, crée le danger et favorise la remontée groupée de l’équipe. Nous ne nions pas l’évidence, et nous reconnaissons que ces belles sorties de ballon font plaisir à voir.

Comme tout geste technique, la sortie propre de balle s’appuie sur deux piliers. Le premier, c’est l’entraînement. Aucune équipe n’ayant jamais travaillé à combiner devant sa surface et à s’offrir des solutions collectives pour se sortir du pressing ne parviendrait par magie à utiliser jeu en triangle, dédoublement de passes et appels travaillés dans ses 30 mètres. En plus de la répétition de ces combinaisons, la sortie de balle propre nécessite une prise de risque, pour laquelle le but de l’entraîneur consiste à en limiter l’importance.

Réduire la prise de risque

Si l’entraîneur peut élaborer de schémas précis, le plus possible travaillés et exécutés par des joueurs assez techniques et collectifs, il ne peut pas influencer sur tous les aspects de la prise de risque. En fonction de l’adversaire, de ses individualités, de son style de jeu, de son pressing, de sa position sur le terrain ou encore du temps de jeu et de l’évolution du score, le risque est plus ou moins grand. Quel type de risque, exactement ? une passe mal dosée, une interception adverse, se retrouver à défendre en infériorité numérique… Bref, toute erreur est susceptible de créer une occasion de but pour l’adversaire.

À lire aussi : De Rossi, meilleur milieu déf depuis 2005

Pour ne pas tomber dans le piège d’une prise de risque trop importante, lucidité et solutions de rechange sont nécessaires. Si la lucidité consiste tout simplement à se rendre compte que la relance propre s’avère trop dangereuse, la solution de rechange n’est pas forcément évidente. Pourquoi ? Parce que dans la recherche de solution, les joueurs/équipes envisagent trop rarement de se séparer purement et simplement du ballon. Oui, s’en séparer, le rendre à l’adversaire, le balancer.

Remballer l’orgueil mal placé

Sacrilège aux yeux de certains, le dégagement le plus loin possible (et si possible en touche) doit pourtant faire partie de la palette de tout joueur défensif et de n’importe quelle équipe de haut niveau. Ne pas y recourir serait, dans quelques cas, un manque de lucidité ou le signe d’un orgueil trop développé. Un exemple ? Le match du Napoli sur le pelouse du Real Madrid en Ligue des Champions. Menant au score mais acculés par un pressing merengue intense, les joueurs de Sarri ont systématiquement cherché à combiner pour ressortir proprement, avec une prise de risque maximale, se bornant à exécuter leur jeu travaillé à l’entraînement et sans jamais songer une seule fois à balancer un peu pour souffler et remonter le bloc. Le résultat, on le connait : beaucoup d’occasions concédées et des buts encaissés directement à cause de ces relances ratées.

En plus de faire redescendre la pression, dégager le ballon permet à toute l’équipe de se replacer et casse le rythme, même quelques secondes. Si ce geste est souvent attribué à des joueurs peu gracieux, comme Raggi, Stam ou encore Chiellini, il est utile de garder en mémoire que des Nesta, Maldini, T.Silva et autres Bonucci ont déjà eu recours au dégagement en touche en cas de danger.

À lire aussi : Apologie du tacle

D’ailleurs, plus globalement, la question de se séparer du ballon rejoint celle sur la possession de balle. Une équipe qui sait bien défendre et procéder par contre devrait quasiment se réjouir de rendre le ballon à l’adversaire, en y voyant une nouvelle occasion de récupérer le ballon pour une attaque éclair. Pas besoin d’avoir tout le temps le ballon pour se montrer dangereux (Antonio Conte and José Mourinho approve this message).

Plaisir

Et puis il faut le dire, pour le défenseur un peu vicieux, un peu old school, et pourquoi pas un peu chauve, dégager de toute ses forces en touche relève du plaisir indicible et flatte le sentiment du travail bien fait. Le but du poste, c’est défendre, repousser le danger. Voilà la base. Remonter le ballon ? faire une belle ouverture ? Pourquoi pas, en bonus. Le regard excédé de certains partenaires qui n’approuvent pas le geste, les reproches de l’entraîneur, la désapprobation du public, tout ça, c’est du vent. Au fond, le défenseur sait qu’en ayant dégagé très loin, en touche, il a rempli sa partie du contrat et rappelé à tous que le football, parfois, c’est très simple.