Fratelli d’Italia : les huit Sentimenti

Fratelli d’Italia : les huit Sentimenti

1 mars 2021 1 Par Nicolas Basse

Découvrez les Sentimenti, peut-être la famille de football la plus vaste avec des joueurs passés à la Juventus, à la Lazio, une folle histoire de gardiens et un examen de… la vue.


Arturo Sentimenti et Augusta Fregni n’ont pas fait les choses à moitié. Au début du vingtième siècle, le couple installé à Bomporto, dans la province de Modène en Émilie-Romagne, conçoit neuf enfants. Quatre filles et cinq garçons. Ennio, Arnaldo, Vittorio, Lucidio et Primo.

Cinq plus un cousin, Lino, qui font six, et deux neveux de Lino, Roberto et Andrea, pour un total de huit Sentimenti, tous devenus footballeurs.

L’arbre généalogique, c’est cadeau


De 5 à 4


Ce sont bien les cinq frères, surnommés les Ciccio, dont le parcours est hors-normes. Et encore, Ennio peut être mis de coté. Sa « carrière » prendra fin à Nonantola, dans une ligue mineure non loin de sa ville natale, et il aura le malheur de lancer la fratrie sans jamais se voir surnommer Sentimenti Ier.

Ennio initie Arnaldo, Vittorio, Lucidio et Primo au football. Ils parviendront à atteindre l’élite et totaliseront à eux quatre plus de 1200 matches de Serie A, dont une bonne partie avec Modène, club où ils débuteront tous leur carrière.


Un « chéri » record


Arnaldo, ou plutôt Sentimenti II, sera le premier à devenir professionnel. Gardien, il passe neuf saisons à Naples (1934-1943) où il établit un record d’invincibilité dépassant les 800 minutes. Il arrête 36 pénaltys dans sa carrière, dont ceux de Meazza et Piola.

Reconverti entraîneur, « Cheri », surnom qui lui est affublé par ses coéquipiers durant ses années de joueur car épris d’une chanson française du même nom, remporte sur le banc des titres de divisions inférieures (Serie D avec Casertana, Serie C avec Stabia).

Après lui, Vittorio, milieu offensif qui deviendra Sentimenti III, restera dans les annales de la Juventus. Parmi les 30 meilleurs buteurs de l’histoire de la Vieille Dame, il remporte la Coupe d’Italie 1941-1942, mais aussi la Serie B avec Modène et obtient le titre de meilleur buteur de deuxième division en 1940-1941 avec 24 buts.


Sentimenti II vs IV


Si Arnaldo est un spécialiste de l’arrêt des pénaltys, c’est son frère Lucidio qui met un terme, en mai 1942 lors d’un Naples-Modène, à sa folle série de neuf pénos de suite arrêtés. Le comble ? Lucidio est… gardien de but également, malgré son 1m70. un affront pour Arnaldo qui poursuivra son frère sur le terrain, causant l’hilarité du public et une brouille de deux ans entre eux. Mais Lucidio Sentimenti ne se résume pas à une série de pénaltys stoppée. Il restera le Sentimenti avec le parcours le plus fou.

« Cochi » commence à jouer au football à Modène à l’âge de 14 ans. Tout débute par cette lettre envoyée au club : « J’ai presque quinze ans, je suis cordonnier à 15 lires par semaine et j’aimerais jouer. À n’importe quel poste, même gardien de but ». Lucidio fait ses débuts avec l’équipe première à 16 ans avec cette particularité : gardien de but, il peut aussi évoluer… ailier droit. Avec les Canaris il joue deux saisons entre les cages et l’attaque, marquant 21 buts en 85 rencontres.


Lucidio, diabolique


Après Modène, Sentimenti IV passe une grande partie de sa carrière à la Juventus et à la Lazio. Appelé à neuf reprises avec la Nazionale et participant à la Coupe du monde 1950 au Brésil, il fait ses débuts en 1947 sous les ordres du légendaire Vittorio Pozzo contre la Hongrie. Particularité de cette titularisation ? Il est le seul joueur n’appartenant pas au Grande Torino à démarrer la rencontre.

Gardien ayant marqué le plus de buts dans l’histoire de la Serie A, international, adepte du plongeon les pieds en avant, il est décrit par le journaliste Gianni Brera comme « déterministe froid, doté d’une ruse diabolique. » Mais son niveau lui joue parfois des tours puisque, trop confiant, il tend en fin de carrière à encaisser des buts à cause de sorties ratées. À tel point que des supporters de la Lazio convainquent le club de lui faire passer un examen de la vue !

Lucidio connaîtra un ultime bonheur en 2011, en foulant, à 91 ans, avec 49 autres légendes de la Juve, la pelouse du Juventus Stadium pour son inauguration.


Pas de vagues pour Primo


Comme Arnaldo, Vittorio et Lucidio, Primo débute sa carrière à Modène. Le milieu défensif passe également par Bari, l’Udinese ou encore la Lazio, où il joue avec Vittorio et Lucidio quelques mois. Une belle carrière sans remous, avec plus de 330 matches de Serie A au compteur.

Peut-être le plus discret mais sûrement le plus polyvalent. Si Lucidio joue gardien et ailier, Primo joue à tous les postes lors de ses sept saisons à la Lazio, sauf aux cages.


Et trois qui font huit


À coté des cinq frères, les Sentimenti « éloignés » laissent forcément un souvenir plus léger. Roberto joue dans des divisions inférieures avant, semble-t-il, de s’exiler au Canada à la fin des années 1970 tandis que Lino, son oncle, passe huit saisons à Modène en Serie B avant d’entrer dans la fédération puis le staff de l’équipe militaire d’Italie.

Seul Sentimenti encore en activité, Andrea arrête rapidement sa carrière de gardien de but à la fin des années 2000 (arrivé jusqu’en Serie C) pour se reconvertir en tant qu’entraîneur spécifique à ce poste, et officie à Bologne.

87 ans après les débuts d’Arnaldo à Naples, la famille Sentimenti est encore ancrée dans le football italien. Qui dit mieux ?

À lire aussi