Eric Maggiori : « Depuis 95, je n’ai quasiment pas manqué un match de la Lazio »

Eric Maggiori : « Depuis 95, je n’ai quasiment pas manqué un match de la Lazio »

30 octobre 2015 0 Par Nicolas Basse

Sur Twitter ils s’égosillent, provoquent, distillent des informations précieuses, beuglent leur passion ou commentent de matchs en direct. Grâce à eux, suivre le football Italien est devenu plus facile, émouvant ou très drôle. Puisqu’ils font vivre le Calcio, nous avons décidé de les interviewer. C’est au tour de Monsieur Eric Maggiori, rédacteur en chef de SoFoot.com et de SoFoot Club de répondre à nos questions.

Peux-tu te présenter ?

Je suis journaliste et j’ai 30 ans depuis quelques mois, malheureusement (rires). Je pratique deux sports essentiellement : le ping-pong, sur la petite table que nous avons à la rédaction de SoFoot (d’ailleurs je suis ambidextre au ping-pong) et le football. Chaque mardi midi, on joue dans un gymnase avec les membres de SoFoot. Je n’ai pas de poste précis, mais je préfère jouer attaquant. Façon Pippo Inzaghi, un bon vieux renard qui rôde.

Quel est ton parcours professionnel ?

J’ai d’abord été journaliste dans un magazine de musique, Rock Mag, puis dans l’univers de la mode, au FHM Mode. Quand FHM a été revendu, j’ai fait des piges à droite à gauche à Libé, à L’Express, mais au bout d’un moment j’ai voulu trouver de la stabilité. Je suis rentré en contact avec Pierre Maturana, alors rédacteur en chef de Sofoot.com (et aujourd’hui rédacteur en chef de So Foot le magazine) en lui expliquant que je n’avais jamais travaillé dans l’univers du football mais que j’avais de solides connaissances dans le domaine et que je voulais écrire pour leur magazine. Il m’a proposé de passer à la rédaction le lendemain, j’ai commencé à écrire quelques brèves, puis des piges. J’ai fini par devenir spécialiste de l’Italie et un des « cadres » du site. Avec l’arrivée de Society en début d’année, il y a eu un gros chamboulement dans l’organigramme et je suis passé rédacteur en chef de SoFoot Club (ex So Foot Junior) et rédacteur en chef de sofoot.com quasiment 5 ans jour pour jour après mon arrivée.

Parle-nous un peu de SoFoot Club…

En Avril 2014 nous avons lancé SoFoot Junior en partant d’un constat simple : depuis des années nous avions des stagiaires de 3ème qui disaient adorer lire le site mais ne pas comprendre la plupart des contenus du magazine, trop durs, trop longs et surtout adressés à un public de connaisseurs. Nous avons donc décidé de lancer une version plus jeune, avec des propos plus expliqués, remis dans leur contexte. Très vite, nous nous sommes rendus compte que le lectorat dépassait la cible initiale des 10-14 ans avec des lecteurs allant jusqu’à 20, 22 ans et nous avons remplacé le terme « Junior » par « Club ». Une façon de rendre le magazine moins excluant, parce que quand tu as 20 ans, ce serait un peu la honte auprès des potes d’aller acheter un magazine qui s’appelle « Junior » (rires).

Depuis quand es-tu fan de la Lazio ?

Panini 94 de SIgnori

Je viens d’une famille Italienne et mon père est un grand supporter de la Juventus devant l’éternel. Quand j’étais petit, il a tout tenté pour me faire aimer la Vieille Dame. Et puis un jour, il me donne l’album Panini 94, celui sur la Coupe du Monde aux USA, afin que je connaisse l’équipe d’Italie et que je puisse les supporter. En parcourant les photos des Italiens je tombe sur celle de Giuseppe Signori. Sa photo me marque instantanément et je vois en dessous « club : Lazio ». C’est là que tout a commencé. L’année suivante, un soir, je vois mon père dégoûté devant la télévision : la Juventus venait de perdre 4-0 contre la Lazio et Signori avait inscrit un but exceptionnel. J’avais 9 ans et c’est vraiment à partir de là que j’ai commencé à m’intéresser à l’équipe, à son histoire. On habitait à Fontainebleau et je demandais à ma mère de me ramener tous les magazines Italiens de football quand elle « montait » à Paris, genre Calcio 2000, la Gazzetta ou le Guerin Sportivo, pour me documenter le plus possible. Depuis, je n’ai presque pas loupé un match de la Lazio.

le joueur que j’ai aimé plus que tout et que j’aimerai toujours, c’est Alessandro Nesta

Y a t’il un joueur qui t’a spécialement marqué ?

Euh, Lulic ? (rires). 26 mai 2013 pour toujours ! Non, en vrai, le joueur que j’ai aimé plus que tout et que j’aimerai toujours, c’est Alessandro Nesta, sans hésiter. Je me souviens avoir pleuré à son départ pour l’AC Milan. Mais vraiment pleurer hein, alors que j’avais 17 ans quand il est parti (rires). Il n’y a pas très longtemps, je suis allé l’interviewer à Montréal pour SoFoot, c’était exceptionnel ! Pour moi, c’est comme si j’avais atteint un des buts de ma vie, une sorte de consécration. Et puis surtout, c’est un super gars, très intelligent et qui a gardé la Lazio dans son cœur.

Et un souvenir de la Lazio en particulier ?

Trop de souvenirs pour en évoquer un seul, le derby gagné à la 93e avec Klose, le but de Castroman contre la Roma à la 95e, la Supercoupe d’Europe 1999 contre le Manchester United de Sir Alex… Ah si, j’ai une très belle anecdote : le 14 mai 2000, j’ai 15 ans, je suis devant l’émission Quelli Che Il Calcio avec mon père. Sa Juve est leader, ma Lazio deuxième, c’est la dernière journée de championnat. C’est le jour du déluge à Perugia, le but de Calori, puis l’attente, l’attente, l’attente. Au coup de sifflet final, j’ai entendu Riccardo Cucchi, le commentateur de Radio Uno, qui disait : « Sono le 18 e 4 minuti del 14 maggio del 2000, la Lazio è campione d’Italia » (il est 18h04, le 14 mai 2000, la Lazio est championne d’Italie), et j’ai peut-être poussé le plus grand cri de joie de toute ma vie. J’ai couru dans ma chambre, j’ai sauté sur mon lit, j’ai pété les lattes, je me suis fait engueuler par ma mère, j’en avais rien à foutre, je suis parti en courant dans la rue avec un drapeau de la Lazio et mon maillot en criant « CAMPIONE CAMPIONE », les gens me regardaient comme si j’étais un fou (rires).

Thuram devait initialement aller à la Lazio et non pas à la Juventus

La Lazio souffre depuis des années d’une mauvaise réputation en France. Comment le vis-tu ?

C’est épuisant de devoir tout le temps se justifier depuis que je suis au collège, tout ça à cause d’une poignée de « supporters ». Ce qui est bizarre, c’est que cette réputation est particulièrement répandue en France, beaucoup moins dans les autres pays européens. Voilà un exemple : quand j’avais 16 ans, je suis allé sonner avec un ami chez Lilian Thuram à Fontainebleau pour lui demander un autographe. Après quelques minutes de discussion, il m’apprend qu’au lieu d’aller à la Juventus il devait initialement s’engager avec la Lazio, que tout était pratiquement fait mais qu’au dernier moment il avait refusé car il ne voulait pas aller dans un club où des supporters poussaient des cris de singe… Ce qui m’ennuie encore plus, c’est que le club fait beaucoup d’efforts et de bonnes actions pour changer son image, sans résultat. Encore plus quand il y a des articles complètement débiles comme celui du Monde pour expliquer que le maillot noir de la Lazio est une référence aux chemises noires, bras armé du fascisme Italien et fidèle de Mussolini. C’est n’importe quoi sérieusement. D’autant qu’à la base, si on veut vraiment être tâtillon, dans les années 20, quand le régime fasciste a voulu faire fusionner tous les clubs de Rome pour créer un seul club fort, la seule équipe à avoir refuser pour garder son identité propre, c’est la Lazio. Le vrai problème, c’est qu’il y a peu de solutions aujourd’hui. On n’efface pas une réputation et des clichés comme cela. C’est l’histoire de l’ex-taulard : la Lazio peut se comporter de manière exemplaire pendant 10 ans, si 50 connards font des « buh » à un joueur noir lors d’un match, bah tu fous en l’air 10 années de bonne conduite.

Vous avez fini l’année dernière en fanfare et commencé 2015-2016 avec une élimination au tour préliminaire de C1. On a connu meilleur début de saison…

C’est vrai qu’en 2015 la Lazio a joué un des plus beaux football d’Italie et a gagné beaucoup de matchs sur des scores fleuves. Du coup, l’élimination en barrages de LDC au mois d’août contre Leverkusen a fait d’autant plus mal. À chaud j’étais très énervé contre l’équipe et les joueurs : on avait gagné 1-0 à l’aller et là on s’en prend 3 ! Après il faut avouer que le Bayer a une belle équipe, habituée à ces joutes européennes contrairement à la Lazio qui n’a pas participé à la C1 depuis huit ans. Et puis il faut reconnaître que nous sommes allés à Leverkusen avec des absents importants : Marchetti, Biglia, Klose et Mauri. Des patrons, des mecs d’expérience qui auraient pu faire la différence et tenir le vestiaire dans un moment aussi déterminant.

Que manque-t-il à la Lazio pour en faire une équipe plus stable ?

Notre bilan est très déséquilibré. À domicile, nous sommes la meilleure équipe d’Europe avec 8 victoires en 8 matchs toutes compétitions confondues, alors qu’à l’extérieur, ce ne sont que des nuls et des défaites sévères contre le Chievo et Naples. Cela me rappelle un peu le premier passage de Reja sur le banc, avec une équipe incapable de gagner loin de ses bases. Un des problèmes, ce sont les blessures, c’est un cauchemar. L’année dernière, la Lazio a véritablement commencé à carburer en janvier, quand l’équipe était au complet et que l’infirmerie était vide. Or, aujourd’hui, il manque encore beaucoup de monde. De Vrij, Keita et Parolo sont blessés, Biglia a été blessé, tout comme Candreva, Klose, Djordjevic, Marchetti. C’est trop. L’autre raison, c’est le recrutement. Parmi les jeunes, seul Milinkovic-Savic se distingue, je crois qu’il est vraiment très bon. Kishna, c’est très bof et Patric n’en parlons même pas. Si on veut jouer l’Europe, le championnat et la Coupe, le club n’a pas été assez ambitieux. Derrière, on a 4 défenseurs centraux : De Vrij, le meilleur, est blessé pour au moins 1 mois voire 4 ou 5 s’il doit être opéré, Hoedt est moyen et a pris un énorme bouillon contre Higuain, Mauricio est catastrophique et Gentiletti fait le travail mais sans plus. S’il s’avère que De Vrij passe sur le billard, il faudra recruter un mec derrière en janvier, parce que faire toute la saison avec Mauricio derrière, au secours !!

Un mot sur le président Lotito ?

Il est difficile d’en parler. Beaucoup de choses très différentes se disent sur lui. D’un coté, il a sauvé la Lazio quand il l’a reprise en 2004, a remis les compte à flots, c’est un excellent gestionnaire et c’est le deuxième dirigeant le plus titré de l’histoire du club derrière Cragnotti. De l’autre, ce n’est pas un vrai président, il a pris ses distances avec les supporters, a enlevé quasiment tous les Laziali de l’organigramme, il bidouille à droite à gauche et a toujours été très (trop) sage sur le marché des transferts. Son seul coup de folie reste Mauro Zarate à 20 millions d’euros… Un bide monstrueux. Paradoxalement, Cragnotti, qui a été un gestionnaire catastrophique et qui a mis le club au bord de la faillite reste le président le plus aimé des tifosi laziali. Pourquoi ? Parce qu’il était ambitieux, qu’il a fait venir les meilleurs joueurs du monde à la Lazio, et qu’il a tout gagné. Tout simplement.

Une belle journée, c’est quand la Lazio a gagné et que la Roma a perdu

L’AS Roma, ça t’inspire quoi ?

Ce n’est pas un club que j’aime, la Roma. À chaque journée, un Laziale regarde les résultats de son club et de la Roma. Une belle journée, c’est quand la Lazio a gagné et que la Roma a perdu. Parfois, on espère même plus une défaite de la Roma qu’une victoire de la Lazio ! Après je n’ai pas de haine particulière, je regarde leurs matchs. S’ils gagnent, tant mieux pour eux et s’ils perdent, tant mieux pour moi. Ce qui est drôle, c’est que depuis que Totti a fait ses grands débuts, il y a 22 ans, la Roma n’a gagné que 5 trophées alors que sur la même période, la Lazio en a décroché 11, dont une Coupe d’Italie contre… la Roma ! Voilà pourquoi j’espère qu’il ne prendra jamais sa retraite (rires) ! Pour moi, la Roma est un peu un club de « loser magnifique » qui n’arrive pas à gagner quoi que ce soit et qui arrive toujours deuxième. Mais je reste prudent, cette année ils commencent à bien jouer et comme la Juve n’est plus là, j’ai très peur qu’ils gagnent le Scudetto.

Un souhait pour la saison à venir ?

Un trophée car Pioli a construit une belle équipe. Je ne pense pas qu’on soit armés pour le Scudetto mais pourquoi pas l’Europa League ou la Coupe ? Quand je repense à la finale perdue l’année dernière contre la Juventus avec le double poteau de Djordjevic, ça me laisse un goût d’inachevé. Et puis bon, il va falloir aussi gagner le derby quand même parce que depuis que Rudi Garcia est là, nous n’en avons remporté aucun. Deux nuls et deux défaites. Yanga-Mbiwa bordel…

Un avis sur la Premier League ?

Je trouve ce championnat un peu nul. En tant que rédacteur en chef, je suis obligé de tout suivre mais franchement cela ne m’attire pas du tout la Premier League. Le contenu a beaucoup baissé en qualité, les résultats en LDC sont calamiteux et puis on n’achète pas un niveau à coups de centaines de millions. Le derby de Manchester était une purge sans nom, Chelsea, cette année, c’est nul, et Arsenal va devoir cravacher pour sortir de sa poule de C1.

Question jeux vidéo pour finir. Tu t’es plaint de FIFA16 sur les réseaux sociaux, pourquoi ?

Je n’y joue plus, je suis dégoûté. Dès les premiers matchs, j’ai eu une mauvaise sensation. En à peu près 100 matchs en ligne, je n’ai pris aucun plaisir. Il y a des détails qui tuent tout, notamment en défense ! Si tu joues contre un mec costaud qui gère les crochets et les feintes de frappe, tu es obligé de faire faute. Les passes ? Elles sont horribles. À force de vouloir être réaliste, FIFA a fini par entamer sur le plaisir du jeu. Étant un fan de FIFA depuis toujours, je n’ai pas songé à me consoler avec PES, même si un collègue m’en vante les mérites en m’envoyant des photos de ses scores : 9/6, 10/2… Super réaliste hein (rires).

@nicolas_basse