Les Italiens, ces héros

4 juillet 2016 3 Par Nicolas Basse

Arrivée en France avec une équipe peu flamboyante sur le papier, l’Italie aura réussi un grand Euro 2016. En battant des Belges arrogants, en éliminant les doubles champions d’Europe Espagnols et en tenant tête aux champions du Monde allemands pendant 120 minutes. L’équipe de Conte peut rentrer la tête haute.

Les larmes de Barzagli, Buffon et Conte auront eu raison des Italiens et de tous les amoureux de football, samedi soir. La qualification de l’Allemagne fait très mal. Surtout après une séance de tirs aux buts interminable. Surtout après avoir été au même niveau que les hommes de Löw durant toute la rencontre. La douleur est d’autant plus grande que, plus le tournoi avançait, plus il devenait certain que l’Italie était capable de remporter cet Euro 2016.

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D’ailleurs, personne ne dira le contraire : l’Italie aura eu le parcours le plus difficile avec l’Espagne en 1/8 et l’Allemagne en quarts. Un match décisif dont le vainqueur semblait promis à la victoire finale, à part exploit de la France. Le pire, pour les Azzurri, sera de se dire qu’ils sont sortis de l’Euro sans avoir failli, sans avoir commis la moindre erreur. Les tirs aux buts manqués et l’attitude de Zaza et Pellè devant plutôt être mis sur le compte du stress que de l’arrogance.

Football en prose

Le plan de Conte n’aura donc ni suffi ni péché. Pour en comprendre le raisonnement, relisons un peu Pier Paolo Pasolini (dans Il Giorno du 3 janvier 1971) : « [La défense] et le jeu en triangle est un football de prose : en effet, il est basé sur la syntaxe, c’est-à-dire sur le jeu collectif et organisé : autrement dit, sur l’exécution raisonnée du code. Son seul moment de poésie c’est la contre-attaque; avec le but en prime. Le football en prose est celui qui dépend d’un système ».

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L’essence pure du football : le collectif. Le système. Et du coup, beaucoup de travail. Buffon disait juste après l’élimination : « Nous seuls savons ce que nous avons dû investir pour faire ce bon parcours. » Ils en ont bavé pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Avec des joueurs de devoir et d’expérience, pas forcément connus du grand public français. Combien de personnes se sont demandées « mais qui c’est ce petit numéro 23 qui court partout ? Giaccherini ? Et il joue où ? Bologne ?« , ou encore « et ce Parolo là, il est jeune ?« . Quels que soient les joueurs, tous se seront sublimés. Les plus célèbres, comme Buffon, Chiellini, Bonucci et De Rossi, les jeunes, à l’image de De Sciglio, Florenzi ou Darmian mais aussi les héros de l’ombre : Giaccherini, Parolo ou Eder.

Transmettre un message

Même éliminés, les Italiens auront gagné plusieurs batailles : prouver que la Nazionale reste une des meilleures équipes du monde, qu’on peut être craints pour son collectif et non pas pour ses individualités, que le 3-5-2 est un système diabolique quand il est bien maîtrisé, que l’Italie a encore de bons joueurs et de grandes idées, que l’âge n’a aucune importance et que bien défendre, c’est magnifique. Tout le monde a été conquis par cette équipe, lui reconnaissant courage, mérite et talent collectif. Pas suffisant pour éclater de joie après le match contre l’Allemagne, mais de quoi procurer un certain réconfort, quand la tristesse sera atténuée.

Et si une page se tourne avec le départ de Conte, la retraite de Barzagli et l’avenir en suspens de quelques cadres, tout n’est pas fini. Parce que plus qu’aux autres, c’est à elle-même que l’Italie s’est adressée un message, très bien résumé par Gianluigi Buffon : « Dans cet Euro, on n’avait pas l’intention de donner des leçons, mais on voulait convaincre les jeunes que lorsqu’on a une certaine attitude, on peut surmonter les obstacles« . Accompagnée de nombreux joueurs d’expérience, la talentueuse jeunesse italienne sait désormais sur quelles bases se construire pour des succès futurs. Les héros leur ont montré la voie.

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@nicolas_basse