Valentina Clemente (Corriere dello Sport) : « L’Italie aime gagner en souffrant »

Valentina Clemente (Corriere dello Sport) : « L’Italie aime gagner en souffrant »

12 mars 2016 0 Par Nicolas Basse

Correspondante à Paris pour le Corriere dello Sport, Valentina Clemente nous parle de sa passion pour le football, son travail en France et son admiration pour un joueur de… Water-polo !

Peux-tu te présenter ?

Je suis une Italienne de 33 ans et je viens de Rome. J’ai toujours voulu être journaliste. Au début je comptais suivre la Formule 1 parce que j’adorais ça et puis il y a eu le football. .. Sinon j’ai toujours pratiqué le sport : danse depuis petite, natation, ski, volley-ball et beaucoup de choses liées à la mer comme la voile ou le surf.

Et tu es donc devenue journaliste en France

Il y a quatre ans j’ai décidé de prendre l’avion pour venir ici car la situation économique n’était pas favorable en Italie. J’ai demandé à une amie si je pouvais venir chez elle à Paris et au bout de quelques mois j’ai trouvé un travail. Depuis, je suis correspondante à Paris pour le Corriere dello Sport et Mediaset et je travaillais aussi jusqu’en janvier comme « news editor » chez Eurosport, c’est à dire que je préparais les bulletins d’information et du montage télé.

Depuis quand aimes-tu le football ?

C’est plutôt une tradition de famille et un sujet de discussion parce que chez moi les gens sont partagés. Mon grand père était un malade de la Roma, mon père est pour Naples et un de mes oncles pour Milan. Mon enfance était rythmée par le sport : mon père regardait le ski, écoutait le foot à la radio, suivait le Grand Prix de Formule 1 et enchaînait avec les émissions de football sur la Raï. J’ai eu mon premier maillot à 4 ans ! Très vite j’ai voulu m’acheter des crampons mais mes parents n’étaient pas trop pour car il y avait peu de football féminin. En vacances, je jouais toujours avec les garçons quand il y avait des tournois.

Les filles n’aiment pas le foot en Italie ?

Il y en a mais ce n’est pas forcément très facile niveau pratique. Quand j’étais petite, les garçons avaient des ballons et les filles des poupées. En revanche je pense qu’il y a plus de femmes qui aiment le football en Italie par rapport à la France. D’un autre coté ça ne peut pas se calculer. C’est une question d’environnement.

Que pense ton entourage de ton intérêt pour le football ?

Le problème c’est qu’aujourd’hui je passe beaucoup plus de temps avec des hommes parce que je m’occupe du football masculin et qu’il y a plus d’hommes qui aiment ce sport. Mais ça me convient parce que le shopping, au bout de cinq minutes, j’en ai marre ! Une des choses que je préfère faire, c’est me poser devant un match. Mes parents ont compris la situation même si ma mère aurait préféré que je sois un peu autrement.

Est-ce plus dur d’être une femme journaliste sportive ?

Je trouve déjà que c’est plus difficile d’approcher les joueurs parce que tu n’as pas la même liberté que les hommes. Selon comment tu t’approches, les regards… Si tu souris trop on va croire que tu le dragues. Si t’es trop timide tu n’arriveras pas à t’imposer. Trouver le juste milieu est compliqué. Avec les clubs aussi, c’est moins simple d’arriver à obtenir des interviews avec les joueurs.

Quelle équipe supportes-tu ?

Je suis pour Naples après 2 ans d’incertitude quand j’étais petite. Mais à 6 ans je suis allé voir mon père qui était dans le salon et je lui ai dit « Papa je vais devenir supportrice de Naples ». C’était le moment de Maradona, il se passait quelque chose avec ce club. J’ai grandi dans la souffrance avec la troisième division, la Serie B et enfin le retour ces dernières années. Mais même quand Naples était en Serie C, on faisait les déplacements avec mon père au stade.

As-tu un souvenir et un joueur qui sortent du lot ?

Ce n’est pas évident. Le premier qui me vient en tête c’est un joueur de… Water-polo ! Francesco Postiglione, un des plus connus en Italie qui avait dû renoncer à ses cinquièmes Jeux Olympiques à cause d’un problème au cœur. Je l’avais nterviewé 10 ans après et ça m’avait fait bizarre de passer de fan à journaliste vis-à-vis de lui. Pour Naples en joueur je dirais Pepe Reina. Je suis très contente qu’il soit revenu. Il fait l’unité et change la mentalité des joueurs.

Que penses-tu de Marek Hamsik ?

C’est quelqu’un qui a fait énormément de choses pour Naples. Il est devenu Napolitain dans l’âme, c’est un grand joueur et il n’a pas traversé que des moments faciles. Pourtant il a su assumer les difficultés et c’est notre pierre angulaire.

Les Français ont-ils, en général, une vision datée du football Italien ?

Comme depuis quelques années les grands joueurs ne sont plus en Italie et que les parcours des clubs en Europe sont moins exceptionnels qu’avant, l’intérêt a un peu diminué et du coup la connaissance du championnat également. Mais depuis 2 ans il y a un retour des équipes Italiennes sur le plan Européen et la Juventus a plus de concurrence en championnat. La Roma revient et surtout Naples tient un rythme infernal ! Le problème c’est qu’en France on ne parle pas beaucoup de jeu, tout le monde dit que le Ligue 1 est plus physique que la Serie A mais le championnat Italien est beaucoup plus technique, tactique et qualitatif.

Comment décrirais-tu la Serie A version 2015-2016 ?

Elle est très belle car indécise ! Mon espoir c’est que Naples se batte jusqu’au bout avec le scudetto en récompense. Je serais tellement contente ! Il y a du jeu, des buts, du spectacle… La Serie A fait vraiment plaisir à voir.

Penses-tu que l’Italie peut gagner l’Euro 2016 ?

Jusqu’à maintenant, on n’a pas vu une vraie équipe type sortir du lot. Conte a voulu voir beaucoup de joueurs et de toute façon avec l’Italie on ne peut jamais savoir à l’avance. Si on passe les poules et qu’on a un déclic, ça pourrait faire une surprise. Mais il faut que l’Italie souffre car on ne gagne jamais facilement et les Italiens aiment la victoire en souffrant. C’est plus beau.

@nicolas_basse