Le dernier des Sentimenti, coach des gardiens en Serie A

Le dernier des Sentimenti, coach des gardiens en Serie A

20 juillet 2021 1 Par Nicolas Basse

La famille Sentimenti a brillé au milieu du 20e siècle, avec cinq frères au parcours incroyable. La lignée footballistique ne s’est pas éteinte puisque Andrea Sentimenti, gardien semi-professionnel et entraîneur des jeunes portiers en Serie A, a pris la relève. Il raconte sa carrière et évoque le rôle de formateur et de gardien.


Vous avez commencé votre carrière à Modène. Une tradition familiale.


Quand j’étais petit, ma famille ne m’a jamais encouragé à faire spécialement du foot. J’ai eu la possibilité d’essayer plusieurs sports. Et au début je ne savais pas l’histoire de ma famille dans le football ! Parfois, je marchais dans la rue et je voyais des gens, surtout des personnes âgées, s’exclamer : « C’est un Sentimenti, c’est un Sentimenti ! »

Forcément, il y a eu énormément d’attentes autour de moi. Tout le monde espérait quelque chose. Mais je n’avais pas le talent ni les capacités de mes ancêtres. J’ai été un gardien correct en Serie C, dans des catégories semi-professionnelles. Et j’ai arrêté à 24 ans. C’était suffisant pour moi, et avec la crise économique de 2008, on ne jouait plus que pour quelques euros.

Alors j’ai commencé des études pour continuer ma passion dans le football d’une autre manière. J’étais entraîneur des gardiens à Bologne jusqu’au 1er juillet 2021 depuis 5 ans, après avoir été à Modène (centre de formation, U17, puis U19) et Bologne donc (U17 puis U19 et 1 mois équipe A car l’entraîneur des gardiens a eu le Covid).


Comment êtes-vous devenu gardien ?


J’aime plonger. Je n’ai pas peur. J’étais moyen aux autres postes. Parfois défenseur, parfois ailier, parfois milieu (prononcé en français). Personne ne voulait jouer gardien, et j’ai pu « percer ».


Aviez-vous des modèles ?


Oui bien sûr. Petit, j’aimais Angelo Peruzzi. J’étais fan de la Juve. Plus grand, ma génération c’était Gianluigi Buffon. Une idole. Dans ma chambre, j’avais des posters de lui, Peruzzi et Baggio.


Vous avez arrêté votre carrière de gardien tôt mais vite entamé des formations. Vous vouliez rester dans le monde du foot ?


J’ai commencé le foot comme une passion. Je suis devenu pro, et j’ai en partie échoué. Je ne pouvais pas être gardien toute ma vie, et je n’avais pas assez de revenus pour m’assurer une après-carrière calme. Alors j’ai entamé des études d’économie et, en parallèle, suis devenu entraîneur des gardiens.

D’abord avec des petits. Rapidement, quelqu’un a vu que mes gardiens étaient bons. Ils ont fait des essais à Bologne, Sassuolo, Modena… Et l’entraîneur des gardiens de Modène m’a dit « tu dois venir ici ». J’ai commencé cette carrière, et voilà !


C’est important pour vous de s’occuper des jeunes ?


Oui. J’ai commencé avec eux. Ils sont l’avenir. Il faut les laisser essayer, faire des erreurs, ça c’est très important, et les aider à se corriger. Et si tu as un peu d’expérience à leur donner, pour consolider leurs bases, évidemment c’est un plus. Nous avions trois gardiens à Modène. Qui sont passés professionnels ou semi. C’est une vraie fierté. L’un est à la Fiorentina, Federico Brancolini. Génération 2001, troisième gardien, il a joué 1 match en Serie A cette saison. Il y a aussi Andrei Chiriac, qui a joué en Serie C, et Riccardo Lanzotti.

A Bologne l’année dernière, nous avons lancé Federico Ravaglia. Il a joué 4 matches de Serie A. Une vraie satisfaction pour tout le secteur jeune. Quand tu entraînes un jeune, tu lui donnes toute ton expérience, et le voir devenir professionnel est une vraie satisfaction. C’est aussi un bon point pour Luca Bucci, l’entraîneur des gardiens A. Il l’a vu en 2016, adolescent, juste grand. Il l’a pris avec lui et en 3-4 ans l’a monté professionnel. Il lui a « créé » une carrière.


Comment reconnaître le potentiel d’un jeune gardien ?


Quand tu regardes un jeune gardien, l’important c’est le talent. Tu ne sais pas comment il peut évoluer physiquement. Ensuite vers 13-14 ans, tu peux mieux comprendre et voir son évolution potentielle. Dans le football moderne, un gardien doit avoir une structure complète. Être grand, plus de 1m90, être à l’aise au pied comme un joueur de champ, savoir lire le jeu. Il touche le ballon 10 fois au pied quand il le touche 2 fois à la main. Il doit être très à l’aise pour plonger, maîtriser le ballon.


Si le joueur fait moins de 1m90, il doit oublier le rêve d’être gardien ?


Non bien sûr, mais c’est plus compliqué ! Si tu regardes Alessio Cragno, gardien de Cagliari et sûrement parmi les 2-3 meilleurs de Serie A depuis un temps maintenant : 1m84, mais il doit être au top à tous les matches. Sauf que lui, quand il saute, il se détend de 80 centimètres, plus que d’autres gardiens. Il compense. Si tu es plus petit, il faut être meilleur sur d’autres points. Regarde Barthez ! Super gardien, vraie personnalité, super sauts, plongeons rapides. Mais c’était une autre génération, comme Peruzzi, juste au-dessus de 1m80.


Le gardien a un rôle spécial, esseulé. Comment rester dans le match ?


Pendant l’entraînement, on est 3, 4 gardiens, plus le staff. En match, tu es tout seul. C’est très dur de maintenir la concentration. Il faut constamment bouger. Selon de quel coté est le ballon, arrive le danger, même de loin. Il faut aussi beaucoup parler à son équipe, rester sur le ballon et voir les mouvements des adversaires. Si tu commences à sortir de ton match ou penser à autre chose et que le ballon arrive vite, tu peux te retrouver dans une position qui n’est pas la meilleure.


Gianluigi Donnarumma a fait un Euro extraordinaire. Il est déjà très bon à 22 ans et a été élu joueur du tournoi. Que peut-il encore améliorer ?


Je pense que c’est vraiment l’un des meilleurs au monde. Il est bon dans TOUT, et si jeune… Je ne sais pas ce qu’il peut améliorer. Quand je le vois, je me dis que l’Italie a de la chance. Je suis très heureux qu’il aille à Paris. S’il peut aider le PSG à gagner la LDC…


Votre contrat vient de se terminer. Comment voyez-vous la suite ?


J’aime le terrain. J’aime mon travail. Je pense que je peux continuer avec cette passion, et cela me donne envie de continuer à donner. Quand tu es entraîneur, tu sais que tu peux être au top une saison et celle d’après au chômage, puis en Chine, aux USA, au Canada ou autre part. Le plus important c’est d’être préparé à la suite et d’avoir une belle famille.

J’ai un enfant, une femme, j’aime rester à la maison, j’adore les plantes. Si jamais je veux continuer ma passion doucement, je peux toujours le faire dans les petites équipes de ma région. J’aimerais continuer à Bologne mais on verra, c’est le football !

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