Alexandre Coeff :  » À l’Udinese, on faisait la préparation d’été à 60 joueurs »

11 septembre 2017 2 Par Nicolas Basse

Joueur de l’Udinese depuis 2013, Alexandre Coeff n’a jamais foulé les terrains de Serie A. Enchaînant les prêts, le joueur formé au RC Lens a enfin trouvé un peu de stabilité au Stade Brestois, à 25 ans. Il nous raconte sa carrière, le fonctionnement de l’Udinese et ses envies pour la suite.

Formé au RC Lens, tu signes ton premier contrat pro à 16 ans et demi, ce qui fait de toi le plus jeune joueur français à signer ce type de contrat. Quel souvenir gardes-tu de cette époque ?

J’étais un joueur très jeune, pas accompli, et ce contrat c’était le moyen de pouvoir me garder face aux grosses écuries qui pouvaient me solliciter à l’époque. Le RC Lens avait déjà eu le coup l’année précédente avec Gaël Kakuta parti pour Chelsea et ils n’avaient pas voulu que ça se passe pareil. À ce moment-là, j’étais capitaine en sélections de jeunes et ils ont voulu me bloquer. En revanche, j’ai commencé à jouer à partir de 18 ans avec le groupe professionnel, un peu plus d’un an après.

À Lens, on t’a fait passer de milieu de terrain à défenseur. Pourquoi ?

En fait, j’ai souvent évolué en 8 ou 10. J’avais une capacité d’adaptation et une certaine intelligence de jeu qui me permettait de jouer à d’autres postes et un jour je me retrouve derrière. Ça se passe plutôt très bien. À cette époque, mon entraîneur en équipe de jeunes, Eric Sikora, arrive chez les pros. Il sait que je peux évoluer en défense et de mon coté ma réflexion c’est de trouver un poste qui me permet d’arriver le plus vite possible dans l’équipe professionnelle. Comme c’était le poste où j’étais le plus prêt, cela s’est fait comme ça.

Tu es resté 5 ans à Lens. Un bon souvenir ?

Ce sont les années entre 15 et 20 ans où on se forge vraiment en tant qu’homme. C’est surtout ça que je retiens. La plupart de mes amis sont là-bas, j’y ai rencontré ma femme… Cette époque a formé le joueur mais surtout l’homme que je suis.

À cette époque, tu joues beaucoup de matchs avec les sélections jeunes de l’Équipe de France et porte plusieurs fois le brassard de capitaine.

Quand tu fais toutes les sélections de jeune, c’est une fierté. Moi, le petit breton qui arrive et fait un peu l’honneur de sa famille, de ses potes et des clubs du coin dans lesquels je suis passé, c’était vraiment top. Aujourd’hui, voir avec le maillot de l’Équipe de France A des joueurs comme Kurzawa ou Sidibé que j’ai côtoyés plus jeune et qui ont eu un parcours plus stable et une évolution positive, ça fait un peu bizarre. Pour avoir une progression linéaire, il m’aurait fallu plus de stabilité.

Au tournoi de Toulon, tu marques un but fou contre les États-Unis. Tu t’en souviens ?

Ha bah c’est sûr que je ne vais pas l’oublier de sitôt celui-là ! C’est peut-être ça d’ailleurs qui a été l’élément déclencheur de l’Udinese, parce que c’est à la suite du tournoi que les offres sont arrivées à Lens.

En 2013, tu signes à l’Udinese. Comment cela s’est passé ?

Je connaissais le club depuis des années parce que à l’âge de 16 ans je me fais une rupture des ligaments croisés et pendant ma convalescence j’étais très proche d’un agent qui connaissait bien le président de l’Udinese. Il m’avait fait me déplacer jusque Udine afin de visiter les installations, etc etc. Je savais donc qu’ils avaient un œil sur moi depuis longtemps et ils ont attendu l’opportunité. En l’occurrence, Lens était vendeur et avait besoin d’argent.

Ce départ de Lens a-t-il été frustrant ?

Je savais qu’à un moment donné j’allais partir, pour évoluer dans ma post-formation et continuer à progresser. Mais je ne pensais pas que cela se serait fait aussi tôt et de cette façon. J’étais attaché à Lens et je n’avais pas l’impression d’avoir vécu pleinement cette aventure. Mais voilà, les aléas de la carrière d’un footballeur font que ça s’est passé ainsi et je ne regrette pas.

Quelle image de l’Udinese avais-tu avant d’y arriver ?

Pour moi, c’était un grand club italien, avec beaucoup d’ambitions, qui a l’époque faisait régulièrement des tours préliminaires de Champions’ League et d’Europa League, avec Di Natale, mais aussi un club très formateur avec beaucoup de jeunes de tous les continents ayant leur chance. Pour moi, c’était la suite logique à donner à ma carrière.

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Le fait d’aller à l’étranger, en Serie A, te plaisait ?

En fait, en signant mon contrat avec l’Udinese, il était convenu que je sois prêté à Grenade. Donc c’était surtout l’idée d’arriver en première division espagnole qui m’attirait. Grenade et l’Udinese étaient partenaires à l’époque puisque les deux clubs avaient le même président (ce n’est plus le cas depuis 2016, année où Grenade a été revendu), Giampaolo Pozzo.

Du coup, tu pars en prêt à Grenade pour la saison 2013-2014 et à Majorque en 2014-2015. En deux ans, tu joues à peine 20 matchs. Comment as-tu vécu ces prêts ?

Ça a été un vrai frein dans ma carrière. Moi qui étais stabilisé à Lens depuis des années, je me retrouve à bourlinguer à droite à gauche pendant plusieurs saisons… Ça n’a pas été facile. Et puis pour les clubs, avoir un joueur en prêt pour un an, c’est difficile de se projeter. L’Udinese n’était pas vendeur et je ne voulais pas rompre mon contrat. Donc ce n’était pas évident de trouver une stabilité sportive ou personnelle. Pas évident du tout.

Après, tu es également prêté 6 mois à Mouscron, en Belgique, où tu ne joues que 5 matchs… Encore compliqué ?

Le truc, c’est que je suis arrivé en fin de mercato hivernal, fin janvier. Et puisque le championnat belge se termine en avril, il ne restait que 8 ou 10 matchs à jouer !

Pendant ces années de prêt, avais-tu un contact régulier avec l’Udinese pour discuter de ta situation ?

À chaque début de saison, je rentrais à l’Udinese pour la préparation en attendant de trouver une solution. J’arrivais début juillet, on commençait la préparation à une soixantaine de joueurs séparés en deux groupes : ceux ayant commencé plus tôt et sur qui le club comptait, et puis un deuxième groupe à coté avec son propre entraîneur, son propre staff médical et ses propres matchs amicaux ! Des fois on arrivait le matin et on se rendait compte qu’un joueur n’était plus là, avant d’apprendre dans la presse qu’il avait été prêté ici ou là.

Les débuts de saison étaient ainsi et je les tenais au courant à chaque reprise de ma situation. Je savais bien que si on ne m’appelait pas fin juin pour me dire de rentrer plus tôt, c’est que j’étais dans le groupe des « lofteurs » comme on dit en France, c’est-à-dire le groupe des joueurs allant être prêtés. De temps en temps, le coach de l’Udinese venait nous voir et, exceptionnellement, des joueurs de notre groupe allaient s’entraîner avec le « groupe A », et à de très rares occasions, c’est arrivé que des joueurs devant être prêtés restent finalement à Udine pour être utilisés par le coach.

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En 2015, tu rejoins le Gazélec Ajaccio, tout juste promu en Ligue 1, et tu joues près de 30 matchs. Un bol d’air frais ?

Ça m’a permis de m’échelonner par rapport au très haut niveau en France, comme une sorte de petit challenge. J’ai été rassuré parce que ça m’a montré que je pouvais avoir le niveau après toutes ces années de dispersion. On rate le maintien à pas grand chose… Alors qu’on avait notre destin en mains à un certain moment. À Ajaccio, ça reste une période spéciale parce que ce n’est pas le genre de club où on se fait des collègues ou des amis mais on s’y fait une famille. J’y passe régulièrement des weekends ou des vacances, j’y suis très bien accueilli, j’échange souvent avec le président… Vraiment une de mes meilleures périodes footballistiques que cette année-là.

En 2016, tu es prêté à Brest, ta ville natale. Heureux de rentrer chez soi ?

Oui ! Surtout que j’ai quitté la maison à 12 ans pour ma carrière… Alors retrouver ses proches, ses parents, certains amis, ça fait plaisir… Et ça met une bonne pression de devoir jouer tous les weekends devant eux ! Cela faisait des années que ça ne m’était pas arrivé en professionnel. Avoir ce cadre et cette stabilité me font du bien, j’en profite depuis mon arrivée à Brest. Au début, j’hésitais à mettre les pieds en Ligue 2 mais la réalité du marché a fait qu’il fallait peut-être « reculer pour mieux sauter ». J’espère que ça va me donner un second élan.

En 2016-2017 tu fais une grosse saison avec plus de 30 matchs joués. Ça fait du bien ?

Je vais plus parler sur le plan collectif : déçu. Parce qu’on rate la montée à un point alors qu’on a survolé la Ligue 2 toute la saison. C’était dur psychologiquement, encore plus quand tu es du coin parce que partout où tu vas on te parle de ça : « et bah qu’est-ce qui s’est passé les gars ? »… Pas évident mais on repart sur une deuxième saison que j’espère au moins aussi bonne et avec plein d’ambitions.

Tu entames donc ta 2e saison en prêt à Brest. Quels sont tes objectifs ?

Personnellement, il me reste deux ans de contrat avec l’Udinese en comptant cette année. Je pense que plus que jamais j’ai besoin de jouer pour me montrer et essayer de trouver une solution parce que je comprends bien que l’Udinese ne compte pas m’utiliser. De mon coté, je n’ai pas forcément envie de partir. La meilleure solution est que je joue, et bien. Ce n’est pas inenvisageable que je poursuive l’aventure avec Brest si on arrive à tous se mettre d’accord ! Je pense que cette saison va être importante pour moi. Dès janvier on va discuter de tout cela avec mon agent parce que la saison va passer vite. Pour l’instant, j’ai juste envie que ça se passe super bien à Brest aussi bien personnellement que collectivement !