L’enfer du mercato

L’enfer du mercato

18 juillet 2017 0 Par Nicolas Basse

Avant, pour les fans de football, la fin de saison rimait avec vacances et décompression. Aujourd’hui, ils n’ont plus qu’un mot à la bouche pendant cette période : mercato. Une certaine idée de l’enfer.

Quand j’étais enfant puis adolescent, c’est-à-dire dans les années 1990 et au début des années 2000, l’été permettait de mettre de coté le football. La saison finissait en juin après une année forcément passionnante et lui succédaient plusieurs semaines dédiées aux vacances et à d’autres activités. Pendant ces deux mois d’intersaison, le foot ne se résumait plus qu’à quelques parties avec des amis, sur le bitume, des tentatives de retournés dans l’eau ou des concours de dribbles/tacles sur la plage. Évidemment, les transferts existaient, mais vaguement, et le seul contact que j’avais avec le « mercato » se résumait à un coup d’œil de temps en temps aux gros titres de presse plus ou moins fiable tels que Onze Mondial, But transferts, L’Equipe et France Football dans LA maison de la presse.

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Cette insouciance estivale quant au mercato était due à l’enfance, mais pas que. Les transferts prenaient moins de place, étaient moins médiatisés et, surtout, le monde du football avait le sens de la mesure. Le nombre de transferts marquants durant un mercato pouvait se compter sur les doigts de la main. D’une part parce que les sommes dépensées étaient considérablement moins élevées et qu’un transfert dépassant les 20 millions d’euros paraissait extraordinaire, et de l’autre parce qu’on savait bien que les très bons joueurs n’étaient pas légion. Personne n’essayait de faire passer un bon joueur pour un top player et n’importe quel jeune de 17 ans pour la relève du football mondial. Cela n’a aucun rapport avec de la nostalgie, c’est un fait.

On a aperçu le frère de machin à l’aéroport !

Aujourd’hui, le mercato est devenu un sport à part entière, en complément du football. Ses spécialistes et chroniqueurs dans les grands médias et sur les réseaux sociaux sont toujours plus nombreux et font de chaque transfert, même de joueurs de seconde zone, un vrai feuilleton à suspens à partir d’informations sérieuses ou non. Sur internet, des milliers d’anonymes deviennent de vrais enquêteurs en herbe, s’inventant une vie et des informations.

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Chaque post Instagram est scruté, tout changement de profil Twitter est disséqué et le moindre déplacement d’un joueur se retrouve interprété comme un indice d’un probable départ. Machin a été vu à l’aéroport de Paris, untel a été aperçu au Eataly de Milan, trucmuche a passé une semaine de vacances dans la maison du père de son meilleur ami qui est lui-même un fan de MU…

Le génie du vide

Cette chronique sans fin de la spéculation des transferts s’avère notamment nourrie et utilisée par certains agents et les marques en général. Scénariser l’arrivée d’un joueur, laisser croire qu’un autre veut partir ou parler de l’intérêt de plusieurs clubs pour tel autre peut avoir un impact. Sur le marché, sur le club du joueur et sur les supporters.

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Bienvenue dans un monde dans lequel la communication est reine et où la mise en scène devient plus importante que la finalité. Le joueur n’est plus que le pantin dans une vague opération de marketing. D’ailleurs, devant ces manœuvres, certains crient au génie, à l’adaptation parfaite à la « modernité », vantent des méthodes de communication révolutionnaires. Le génie du vide, assurément, n’est pas le plus difficile à manier.

Bonnes vacances

Aujourd’hui, la période estivale est presque devenue, pour l’amateur de football, le moment le plus chargé de l’année. Les informations arrivent à flux tendu et continu, plus encore que lors d’une semaine chargée en pleine saison. Cette évolution traduit parfaitement la transformation de notre société. Avec les réseaux sociaux, les notifications à profusion et internet même au fin fond de l’Aubrac, il nous faut tout, tout de suite.

Puisqu’on ne sait plus s’ennuyer, on ne sait plus non plus attendre, quitte à s’inventer des histoires, à espérer n’importe quelle miette peu qualitative à se mettre sous la dent en attendant et en espérant une suite. Pour ma part, je vais profiter de mes 20 jours de vacances d’été pour vadrouiller, visiter, jouer avec des amis, aller à la plage et, si j’ai le temps, fugacement, passer jeter un coup d’œil aux gros titres des journaux sportifs à la maison de la presse.

@nicolas_basse