Voir jouer Naples et mourir (enfin le plus tard possible)

Voir jouer Naples et mourir (enfin le plus tard possible)

19 mai 2017 2 Par Nicolas Basse

Cette année, Naples a produit le plus beau football d’Europe. Pas suffisant pour gagner un titre, mais assez pour régaler tous les amoureux du beau jeu et espérer un futur glorieux. Tout cela grâce à un homme : Maurizio Sarri.

Hamsik, Mertens, Insigne et Callejon sous le maillot du Napoli – ALBERTO PIZZOLI / AFP

Cela fait plusieurs années que le vent du renouveau souffle sur le football italien. Avec Conte, Allegri, Montella, Inzaghi ou encore Di Francesco, une vague de jeunesse s’est abattue sur la Serie A, avec une vision rafraîchie du jeu. Si, évidemment, la tactique, la polyvalence et l’art de la défense restent des valeurs incontournables pour ces entraîneurs, l’animation du jeu semble prendre une place de plus en plus importante, avec une grande variété de formules offensives.

La révélation à Empoli

Parmi ces entraîneurs, un se détache par une force de conviction hors-norme. Cet homme, c’est Maurizio Sarri. L’Italie découvre cet ancien banquier en 2014 à la tête du club d’Empoli, qu’il parvient à faire monter en Serie A. Jusque-là, Empoli était une petite ville discrète à quelques kilomètres de Florence, dont le club créé en 1920 n’affichait qu’un titre de Serie B à son palmarès. À partir de l’arrivée de Sarri, le club devient une des places fortes du « beau jeu » en Italie, un peu en même temps que Sassuolo.

Promu en Serie A, Sarri ne décide pas, comme la plupart des entraîneurs de clubs européens promis à la lutte pour le maintien, de jouer petit bras, avec peu d’ambitions et de verrouiller dès que possible. Non, le natif de Naples s’appuie sur ce qu’il sait faire : le jeu offensif. Ça tombe bien, il a un effectif jeune et talentueux à disposition. Avec les Saponara, Valdifiori, Vecino, Hysaj, Rugani, Tonelli et autres Zielinski, Sarri monte une équipe rapide, technique, qui aime remonter vite les ballons et, très important, équilibrée. Parce que si l’Italie est séduite par le jeu léché d’Empoli, le club doit surtout sa 15ème place à une défense très solide (la 10e meilleure de Serie A). Après une seule saison dans l’élite, Maurizio Sarri est choisi par Naples pour succéder à Rafael Benitez. Un pari risqué, puisque la légende dit que jamais un Napolitain n’a réussi dans le club de sa ville natale.

Pari gagnant

À Naples, le cadre change, et les objectifs aussi. Sarri a la lourde tâche d’installer durablement le club dans le top 3 de Serie A, de retrouver l’Europe, de développer les principes de jeu posés par Benitez et, Naples oblige, d’offrir du spectacle. Ça tombe bien, Sarri est gourmand. Dès ses premiers jours au club, l’équipe adhère à sa personnalité, à son projet, à son football. Et ça se voit. Naples arrive en 16e de finale d’Europa League et termine deuxième de Serie A derrière la Juventus, après avoir été première durant de nombreuses journées en milieu d’année, notamment grâce à un Higuain en feu (38 buts tcc).

En fin de saison, tout le monde est d’accord pour dire que Sarri est l’homme de la situation et qu’il sera difficile de faire mieux. Encore plus quand la nouvelle du départ d’Higuain pour Turin tombe durant l’été. Et pourtant, Naples parvient à faire au moins « aussi bien » sur le papier en 2016-2017. En Ligue des Champions, Naples termine premier d’un groupe compliqué avant d’être éliminé tête haute par le futur finaliste Real Madrid en huitièmes de finale. En Serie A, le club a déjà obtenu son billet pour la LDC (3e à deux journées de la fin, à 1 point du second) et va sûrement battre son record de points. Ça, c’est pour les résultats.

Conviction

Footballistiquement, Naples passe un cap cette saison. Plus dépendant d’Higuain, Sarri prône un jeu encore plus collectif, rapide et porté vers l’avant. À la place de l’Argentin (et avec la blessure de Milik), Mertens est titularisé « en pointe », favorisant un jeu encore plus fluide et technique. Les bases posées par Benitez, Sarri les a revues à sa manière, les a améliorées et peaufinées à l’extrême. Naples devient une machine à marquer avec deux qualités qui lui manquaient furieusement : l’équilibre (encore) et la régularité. Finis les matchs sans, les coups de mou ou les naufrages défensifs courants sous les ordres de l’Espagnol et encore présents en 2015-2016. L’équipe joue juste, tout le temps.

Mieux, l’équipe est portée par une conviction inébranlable : c’est en pratiquant SON jeu qu’elle gagnera. Voilà la force de Sarri, avoir su intégrer cette pensée à chacun de ses joueurs et au groupe entier. C’est la marque des plus grands entraîneurs. Son jeu ? Il est basé sur une grande qualité technique des joueurs, permettant une circulation rapide, fluide et vers l’avant du ballon, avec des remontées de balle aussi bien sur les cotés (Insigne, Callejon, Hysaj) que centrales (Hamsik, Mertens, Jorginho). Le ballon va vite à chaque opportunité, mais l’équipe est aussi capable d’entrer dans des phases de conservation du ballon et d’attaques placées quand il le faut.

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Résultat ? Plus de 100 buts marqués cette saison, un niveau technique hors-norme et du spectacle à chaque rencontre. Les meilleurs joueurs sont transcendés, comme Hamsik, Insigne ou Mertens, les passes laser s’enchaînent, les espaces sont dévorés et l’équipe n’est jamais rassasiée. Naples joue sûrement son plus grand football, avec certains des meilleurs joueurs de son histoire et peut-être son plus illustre entraîneur, tout en collant à l’identité de sa ville. La passion est totale, et le bonheur aussi.

Pour nous, fervents de la maxime d’Allegri « si vous voulez du spectacle, allez au cirque », ce Napoli déroge à la règle. C’est le club devant lequel on a pris le plus de plaisir cette année, et même depuis longtemps. On a vibré devant le Napoli, on a crié en voyant Insigne et Mertens, et on a pleuré de bonheur en voyant Hamsik balle au pied. Alors évidemment, Naples peut encore s’améliorer, avec un peu plus d’expérience derrière et des latéraux (surtout le gauche) supérieurs. Mais qu’importe. Plus tard, nous pourrons dire à nos enfants : « tu sais, moi, j’ai vu jouer le Napoli de Sarri », avec un sourire nostalgique et une larme à l’œil. Et nous pourrons nous endormir en paix.