La grève des tifosi romains pour les nuls
Depuis plus d’un an, les ultras de la Roma font grève, désertant leur Curva à l’Olimpico, tandis que les Laziale ont arrêté leur mouvement il y a quelques mois. En cause, des mesures de sécurité jugées inadmissibles. (Mise à jour : la grève s’est terminée début 2017).
Derby de Rome, Novembre 2015. Les Ultras de la Lazio et de la Roma tombent d’accord. Qu’est-ce qui peut bien unir la Curva Nord et la Curva Sud que tout sépare ? C’est simple, les supporters des deux équipes font la guerre à une seule et même personne, le préfet de Rome Franco Gabrielli. Selon les supporters abonnés des virages du Stadio Olimpico, les mesures de sécurité ordonnées par la préfecture sont en train de « militariser » leur enceinte.
La barrière de la discorde
Petit retour en arrière, le 28 juillet 2015. La Préfecture de Rome décide de lancer son projet intitulé « Modèle pour la sécurité des matchs de football » dans le but d’optimiser l’espace au sein des virages en les divisant en deux sous-secteurs et afin d’améliorer le service de la part du personnel. Ce plan fait suite à différents constats effectués par la Préfecture. En premier lieu, les virages contiennent plus de supporters que ce qu’ils sont supposés contenir et des mouvements sont constatés. En effet, les murs vitrés entre les secteurs Distinti et Curva sont souvent escaladés par les tifosi des deux équipes romaines. En outre, les supporters ont tendance à se mélanger et à ne pas respecter les places attribuées. Selon la Préfecture, ces actes créent des mouvements de foule difficiles à contrôler pour la sécurité. Pour y répondre, une mesure principale a été mise en place : l’installation de barrières séparant les Curve et les empêchant d’être un seul et même grand espace.
Parallèlement, d’autres mesures sont décrétées, telle que l’interdiction de jouer les derbys de nuit. Le 1e Mars 2017, cette interdiction est levée puisque la demi-finale de Coupe d’Italie aller entre la Lazio et la Roma se joue en nocturne. Cela ne suffit pas à calmer les supporters des deux camps qui se sentent privés d’un espace qu’ils jugent leur. En grève depuis dix-huit mois afin de protester contre le traitement qui leur est réservé, leur action influence grandement l’affluence moyenne du stade.
L’évolution de l’affluence à l’Olimpico pour l’AS Roma et la Lazio
Entre la saison 2014/2015 et la saison 2016/2017, les abonnements ont chuté de près de 34% côté giallorossi et de plus de 60% côté biancocelesti. L’affluence moyenne, stable entre 2011 et 2015, a chuté de 29% côté Roma et de 48% côté Lazio.
Solidarité
Pire, lors du derby du 3 avril 2016, seuls 23000 supporters se déplacent au Stade Olympique, soit l’affluence la plus faible de l’histoire des Stracittadine (derby de Rome). Même la demi-finale aller de Coupe d’Italie du 1e mars dernier, pourtant jouée à 21h, n’a attiré que 28000 supporters. Désormais, les ex-habitués des deux Curve romaines suivent leur équipe à l’extérieur et s’organisent autrement à domicile. Les supporters de la Roma se retrouvent dans leur berceau, dans le quartier du Testaccio ainsi qu’au centre d’entraînement à Trigoria tandis que ceux de la Lazio soutiennent leurs joueurs à Formello, durant l’entrainement. Devant ce mouvement, La solidarité vient de toute l’Italie. Le 7 février 2017, la Curva Fiesole, cœur du « tifo » Florentin, décidait par soutien avec leurs homologues romains et par inquiétude quant au futur du mouvement Ultra de rester silencieuse durant la première demi-heure du match opposant les deux équipes. Geste fort entre deux tifoserie qui ont pourtant tendance à se détester.
Les dirigeants des deux clubs sont quant à eux accusés de traiter le problème avec trop de passivité. Côté Laziale, le Président Lotito qui vit sous escorte est détesté par ses supporters. Sur cette affaire, ils l’accusent de ne pas s’occuper du problème. Côté Roma, le président James Palotta est absent 11 mois sur 12 et, bien que représenté à Rome par Mauro Baldissoni, tifoso déclaré du club pour lequel il travaille, les supporters dénoncent l’inaction de leur président américain. Dans un souci d’apaisement, le préfet de Rome précisait récemment que « les barrières doivent être enlevées mais pour le faire il faut que les règles soient respectées. ». En attendant, les interdictions de stade (DASPO) continuent d’augmenter. Pour s’être assis au mauvais endroit, les supporters risquent de se voir interdits de stade et les contrôles de sécurité sont trop longs. Jugées trop sévères, ces mesures font encore plus fuir les spectateurs.
Jusqu’à quand ?
À la veille du Derby du 8 novembre 2015, la Curva Nord expliquait plus en détail ce qu’ils reprochaient à la préfecture. Pour elle, « il est intolérable d’entrer dans le stade comme s’il s’agissait d’une base militaire. On demande aux enfants et aux personnes âgées d’ôter leurs écharpes. Le supporter ne peut pas risquer la DASPO simplement parce qu’il a changé de place ». Quant au parallèle avec les mesures prises dans le championnat anglais, les Ultras de la Lazio avancent : « Comment peut-on comparer les enceintes anglais et celles italiennes ? À Bergame par exemple, le stade est obsolète, à certains endroits, on ne peut même pas voir le match ».
Depuis le début de saison et particulièrement à partir du 4 décembre 2016, les supporters de la Lazio ont commencé à lâcher du lest. À cette occasion, la Curva Nord est remplie tandis que la Sud reste vide. Côté Lazio, la bonne saison de l’équipe et l’arrivée au derby avec un seul point de retard sur la Roma poussent les tifosi biancocelesti à oublier les mesures des autorités romaines. Côté romanista, le mot d’ordre reste le même depuis août 2015, cohérence. À quelques jours du match retour d’Europa League contre Lyon, Luciano Spalletti lançait un appel à ses supporters. La réponse, cinglante, ne se fait pas attendre : le combat continuera, quelle que soit l’importance des matchs disputés. En espérant que ce combat trouve une issue avant la livraison du futur stade de la Roma, prévue pour 2020…