Yoann Riou (L’Equipe) : « Paolo Maldini est l’homme le plus classe du monde »

Yoann Riou (L’Equipe) : « Paolo Maldini est l’homme le plus classe du monde »

30 janvier 2016 0 Par Nicolas Basse

Sur L’Equipe 21, il crie sa passion du football avec un enthousiasme débordant et attachant, et intervient en direct d’Angleterre depuis plusieurs semaines. Pourtant, Yoann Riou a été pendant 7 ans l’envoyé spécial de L’Equipe en Italie pour suivre la Serie A. Forcément, cela fait des choses à raconter.

Peux-tu te présenter ?

J’ai 37 ans et je suis originaire de Bretagne. Je suis devenu pigiste pour L’Equipe et France Football en 2001, ce qui m’a amené à devenir correspondant en Italie de 2005 à 2012. Depuis plusieurs semaines je suis en congés et je vis en Angleterre !

D’où te vient ta passion du football ?

Je viens d’une famille de dingues de foot ! Petit, j’habitais dans un petit village près de Guimgamp. Je me souviens encore du chemin menant de la maison au stade, quand mon père m’emmenait voir des matchs. Pour moi c’est aussi ça le football : l’avant, ce qui y mène. L’émotion qui monte progressivement, que ce soit à pieds, en train… Et puis j’ai joué au football, dans les U15 et U17 de Guimgamp. J’évoluais arrière gauche, et parfois attaquant. C’est mon coté bordélique !

Comment s’est passée ton arrivée en Italie ?

C’était FORMIDABLE !! Je n’étais jamais venu et je suis tombé amoureux. C’est un pays où les gens aiment, vivent le football. Et puis je venais avec une image positive car j’avais encore en tête le grand Milan et ses Hollandais Van Basten, Gullit, Rijkaard qui m’avaient fait pleuré de tristesse après la défaite en 93 contre l’OM. À mon arrivée, tous les journalistes sportifs Italiens m’ont pris sous leur aile, m’ont expliqué les coulisses, donné des conseils, c’était tellement gentil et spontané ! En un mot, c’était la CLASSE. J’ai tellement d’exemples pour illustrer ça… Comme la fois où j’avais organisé un dîner entre Di Meco et Massaro, qui s’étaient affrontés lors de la finale de LDC 93. Sans m’en parler, Massaro avait demandé à l’AC Milan s’il pouvait venir avec la Ligue des Champions 94 (victoire 4-0 sur le Barça), juste pour le dîner ! Et Milan avait accepté !

J’ai croisé ou interviewé Maldini, Sacchi, Pirlo, et je peux dire que ce sont tous des gens exceptionnels et d’une humilité exemplaire. Pareil avec Shevchenko que j’avais interviewé, et qui avait accepté avec une énorme gentillesse de revenir longtemps sur son pénalty manqué quelques mois plus tôt contre Liverpool en finale de Ligue des Champions. Pareil avec Roberto Mancini qui m’avait arrangé une ITW de dernière minute…

As-tu apprécié la vie en Italie ?

J’avais beaucoup de boulot donc je n’ai pas pu autant profiter que si j’y avais été en vacances mais j’ai adoré les gens, qui m’ont tous accueilli de manière incroyable et qui m’ont tous ouvert leur carnet d’adresse. Les villes sont magnifiques, notamment Turin. La nourriture ? N’en parlons pas ! J’ai pris pas mal de kilos tellement c’était bon ! Là-bas ils ont une expression qui résume bien les choses : casino, ce qui signifie bordel, mais un bon bordel. Joyeux, dynamique. C’est ça que j’ai aimé en Italie. Cette vie.

La ferveur est-elle palpable ?

C’est très différent d’en France. En Italie, c’est une RELIGION, sans rigoler. Plus qu’un sport. Plus qu’un match. Il y a trois journaux sportifs, plein d’émissions télévisées, des radios dédiées, c’est la folie. Et puis les derbys sont extraordinaires : Juve/Torino, Milan/Inter, Roma/Lazio, et Sampdoria/Genoa ! Surement un des cinq plus beaux derbys d’Europe. Et ce que j’ai surtout aimé, c’est l’amour et le respect des anciens. On tient en compte leur avis, ils sont invités, interviewés. Ils sont importants. Par exemple, à Milanello (le centre d’entraînement de l’AC Milan), les murs sont tapissés d’anciennes gloires, de photos de victoires, on sent le respect. Le passé est partout. Ils ont compris que le football, ce n’est pas que le présent mais un enchevêtrement de choses.

Quel est ton joueur préféré ?

Paolo Maldini. Il a bercé mon enfance, accompagné ma vie pendant plus d’une décennie avec sa classe et ses titres. Et vous savez quoi ? Je l’ai interviewé en 2010 ! Maldini est quelqu’un de très discret qui ne parle pas beaucoup. Il m’a reçu chez lui avec une politesse que je n’ai jamais vue. C’est quelqu’un au-dessus de nous, un Grand Monsieur, le plus classe du monde. À lui seul il incarne le football Italien. Les joueurs devraient tous s’inspirer de lui, car je crois que la classe et l’humilité sont l’apanage des meilleurs.

Pourquoi la Serie A est-elle peu appréciée en France ?

Il y a beaucoup d’anglophiles chez nous. On ne parle que de ça en général. Il faut dire en même temps que c’est un grand championnat, palpitant ! Mais c’est vrai que l’Italie est un peu oubliée, et c’est dommage. D’ailleurs, cela m’énerve que les gens critiquent le football Italien et sortent des clichés sans regarder de matchs de Serie A… C’était le meilleur championnat de la fin des années 80 jusqu’au milieu des années 2000 et ils envoient encore du jeu : la Juventus est au top, la Fiorentina produit du beau football, depuis quelques années Naples est revenu au haut niveau avec un jeu porté vers l’attaque… Et quel plaisir de voir des légendes jouer encore, comme Gianluigi Buffon, le meilleur qui sera encore là en 2018, Luca Toni, un personnage à l’histoire incroyable… Et n’oublions quand même pas que l’Italie est le pays qui a le plus innové en matière de tactique. Le 3-5-2 si présent aujourd’hui a été remis à la mode en Italie.


D’ailleurs, l’équipe en tête de Premier League est dirigée par un Italien…

C’est un parcours extraordinaire que réalisent Leicester et Ranieri. Ce serait tellement fort qu’ils gagnent le championnat ! Concernant Ranieri c’est un personnage que j’ai toujours beaucoup aimé, un homme incroyable souvent critiqué et qui n’a jamais eu de chance. Il mériterait de réussir cet exploit Anglais.

Quel est ton souhait pour cette saison ?

Voir du beau football, partout, découvrir de nouvelles choses ! Que la Serie A finisse de regagner son prestige et que tes lecteurs aillent en Italie, passer un weekend et voir un match. Pourquoi pas à Milan avec son stade chargé d’histoire ? À Turin voir une ville magnifique et un stade flambant neuf ? Rien que d’en parler, cela me donne envie d’y retourner !