« Ça fait 20 ans que je travaille avec Rudi Garcia »

14 décembre 2015 1 Par Nicolas Basse

Depuis 95 et Corbeil Essonne, il suit Rudi Garcia presque partout que ce soit en tant qu’entraîneur adjoint, recruteur ou superviseur. Christophe Prudhon revient sur sa carrière, ses vingt ans passés avec Rudi Garcia et livre son avis sur le championnat Italien.

Parle-nous de ta carrière de joueur

Carrière est un bien grand mot ! J’ai joué au niveau amateur au club de la Colombienne, à Colombes. J’étais gardien de but et j’avais un niveau pas mal. Mais l’important pour moi c’était surtout de jouer et de passer des bons moments avec les copains.

Comment es-tu arrivé à travailler dans le football ?

Joueur, j’entraînais déjà les jeunes et ça me plaisait. Je voulais monter une structure pour gardiens dans les Essonne, j’ai cherché du travail et on m’a proposé de prendre en charge les 15 ans à Morangis. J’ai accepté. On m’a ensuite confié les 17 ans.

À quel moment as-tu rencontré Rudi Garcia ?

Dans les années 90 je m’occupais d’une équipe de foot entreprise. Par une connaissance, j’en ai entendu parler et j’ai appris qu’il était revenu coacher le club de Corbeil-Essonne, alors en CFA2 (où il avait joué), et qu’il souhaitait renforcer son équipe technique. Je suis devenu son entraîneur adjoint. Ça va faire 20 ans que je travaille avec lui.

Tu ne l’as plus jamais quitté ?

Si, pendant quatre ans, de 1998 à 2002, il est parti sans moi à Saint-Étienne en tant que préparateur physique puis superviseur et entraîneur adjoint. On s’est retrouvés lorsqu’il a pris les rênes de Dijon en 2002 où il m’a sollicité pour être recruteur dans la périphérie de la région parisienne et superviseur des adversaires. En cinq ans, nous avons connu une montée en L2 et une demie-finale de Coupe de France (perdue 0-2 contre Châteauroux).

Pareil pour la saison 2007-2008. Il part entraîner Le Mans sans son staff et je deviens responsable du recrutement à Troyes. Mais quand il arrive à Lille en 2008, il me rappelle en tant que superviseur. Cela a duré 5 ans.

En tant qu’ancien recruteur, que penses-tu des transferts toujours plus tôt des jeunes joueurs ?

Mon avis est très arrêté. Tous les clubs amateurs sont très bien structurés, avec des éducateurs de grande qualité et je suis absolument opposé au départ de jeunes pour des centres de formation. En quittant leurs petits clubs, ils oublient certaines valeurs et sont perdus ! 11, 12, 13 ans, c’est trop tôt et d’ailleurs je pense que beaucoup de problèmes actuels dans le monde du football viennent de là. Ce qui me désole le plus, ce sont les parents qui recherchent l’aspect financier et pas le bien-être de leur enfant.

En 2013, tu arrives avec Rudi Garcia à Rome. Quels étaient tes a priori sur la Serie A ?

Que des choses positives. C’est un grand championnat qui maîtrise l’ensemble des éléments du football : tactique, physique, joueurs de qualité et technique, même si le Calcio a connu une période de baisse il y a quelques années. Aujourd’hui, c’est de mieux en mieux. Le seul problème est le manque d’argent, ce qui explique que les plus grands joueurs ne sont pas forcément là. Mais si on compare avec les autres championnats, la Serie A est plus exigeante que la Liga, plus tactique que la Premier League et plus technique que la Ligue 1. Seule la Bundesliga me semble aussi complète, bien qu’il y ait moins de clubs aussi forts qu’en Italie.

Que penses-tu de la vie Italienne ?

Je partage ma vie entre la France et l’Italie mais hormis l’Espagne, je ne connais pas plus beau pays que l’Italie. C’est un vrai pays de foot, bien plus que la France, il y a une grande intelligence des médias qui cherchent rarement le buzz, mais surtout à coller au terrain, à poser des questions tactiques, techniques… Et puis contrairement à l’image que certains essaient de renvoyer, l’ambiance dans les stades est extraordinaire et très bon enfant.

Un mot sur Francesco Totti ?

Comme tous les très grands joueurs, c’est quelqu’un de particulièrement humble, de très accessible. C’est d’ailleurs le propre de la panoplie des meilleurs : être un grand monsieur. Discret, gentil… Un exemple.

Le métier de superviseur est-il différent en Italie ?

Pas vraiment puisque les attentes de Rudi Garcia sont toujours les mêmes. À titre personnel, je dois plus creuser mes analyses car les équipes sont tellement bien organisées en Italie qu’il est plus difficile de trouver des failles.

En France, on voit souvent le football Italien comme très fermé et tactique. Vrai ?

Les gens confondent jeu défensif et structure tactique très poussée. Une équipe peut être très bien organisée sans qu’elle cherche à bétonner derrière ! L’important c’est l’équilibre. Je n’ai pas le sentiment de voir, en Serie A, des équipes qui cherchent clairement à défendre à tout prix. À l’inverse de la France, où on voit souvent qu’une équipe est venue pour marquer ou pour ne pas prendre de buts.

En tant que superviseur, y-a-t’il des joueurs qui t’ont impressionné récemment ?

Il y en a deux que j’ai appréciés : Adam Masina, 21 ans, défenseur de Bologne et Amadou Diawara, milieu de seulement 18 ans évoluant aussi à Bologne. Ils ont un gros potentiel et je pense qu’il faudra les suivre de près.

Enfin, on reproche souvent à l’Italie de faire peu confiance à ses jeunes. Qu’en penses-tu ?

 C’est un avis personnel que je vais donner, n’ayant pas tous les éléments pour répondre officiellement à la question. De base, le joueur Italien ne s’exporte que très peu, par amour du pays, du club et peut-être aussi par manque de modèle ayant réussi à l’étranger. Ensuite, en Italie, qu’un joueur ait 22, 28 ou 35 ans, il joue. L’âge n’a pas d’importance tant que le joueur est bon. Tout ça cumulé, il ne reste pas beaucoup de places pour les jeunes joueurs.

@nicolas_basse