Vincent Candela : « J’aurais tout donné pour Capello »

Vincent Candela : « J’aurais tout donné pour Capello »

31 octobre 2016 0 Par Nicolas Basse

Pour fêter nos deux ans, le champion du monde 98, vainqueur de l’Euro 2000 et légende de l’AS Roma Vincent Candela nous a accordé une interview. Il nous a parlé de sa carrière, de Francesco Totti et, forcément, de I Will Survive.

Après 5 ans de carrière en France (Toulouse, Guingamp) , vous êtes transféré à l’AS Roma, en Serie A. Vous souvenez-vous de votre arrivée en Italie ?

C’était une autre dimension. Déjà, on est venu me prendre quasiment dans l’avion, à peine atterri. On m’a amené à l’hôtel, il y avait les supporters, la radio, la télévision… Je n’étais pas habitué, même si j’avais déjà fait deux sélections en Equipe de France. Mais là, c’était le meilleur championnat du monde, le plus beau, le plus riche… C’était extraordinaire. J’étais jeune, je m’adaptais assez facilement et pour moi c’était un rêve qui commençait. Pour un joueur de foot, on ne pouvait pas espérer mieux.

On dit que les négociations entre Guingamp et la Roma étaient très compliquées. Est-ce vrai ?

C’est la vérité. Francis Smerecki, l’entraîneur de l’époque, ne voulait pas me laisser partir du club et j’ai du le raisonner, ainsi que le président Bertrand Salomon qui n’arrivaient pas à comprendre qu’un jeune de 23 ans voulait partir et aller à Rome. J’ai dû un petit peu m’énerver parce que cela devenait égoïste de la part de l’entraîneur qui me bloquait. Je dis tout cela avec le plus grand respect de Guingamp, avec qui j’ai encore d’excellentes relations, mais il y avait quand même une énorme différence entre l’AS Roma et le championnat français. Je ne comprenais pas qu’ils me privent de ce rêve. Ça a duré 6 mois. Il y a eu le mercato d’été, de juin à septembre, puis on a commencé le championnat et il a fallu attendre début janvier pour qu’ils me laissent partir.

Vous étiez un droitier plutôt lent jouant latéral gauche. Serait-ce encore possible aujourd’hui ?

J’ai beaucoup utilisé le mental, parce que j’avoue que je n’étais pas rapide ! Et c’est Roland Courbis, à Toulouse, qui m’avait fait passer de droite à gauche car il avait vu que j’y étais à l’aise. Et effectivement, je m’y suis tout de suite trouvé mieux qu’à droite. Bien que je n’étais pas rapide, j’avais une bonne technique, un sens tactique développé et un gros mental. Je voulais toujours être présent. Aujourd’hui, c’est vrai que c’est rare, mais cela doit encore exister, des joueurs à ce poste ! Même si aucun ne me vient en tête (rires).

Six mois après votre arrivée en janvier 1997, Francesco Totti devient capitaine de la Roma. Comment était-il à l’époque ?

C’est Zdeněk Zeman qui le promeut capitaine. Déjà, c’était un talent. Un fuoriclasse, un champion. Ça se voyait qu’il était au-dessus de tout le monde et même s’il était jeune, c’était clair qu’il avait la vision, une pensée d’avance sur les autres et il mettait le ballon où il voulait. C’était la classe, cela sautait aux yeux. Et il avait à peine 20 ans.

En 8 ans, vous avec connu surtout connu Zeman et Capello comme entraîneurs. Que retenez-vous d’eux ?

Avec Zeman : beaucoup de travail. Beaucoup de tactique. Beaucoup de physique. Un entraîneur avec ses valeurs. Toujours du travail, même le dernier jour de l’année, même le jour de Noël, toujours travailler. Physique, tactique, tous les jours ou presque.

Avec Capello : la gestion humaine, très très fort. Il travaillait beaucoup plus sur l’homme que sur le joueur. C’est l’entraîneur que j’ai préféré parce qu’il me donnait de la force et me faisait vraiment confiance. J’aurais tout donné pour Capello, sans hésitation.

En 2001, vous faites le doublé Scudetto-Coupe d’Italie. Quel souvenir gardez-vous de cette époque ?

Je venais d’être champion du Monde devant le peuple français, champion d’Europe et il ne me manquait quasiment plus que champion d’Italie ! J’étais sur un nuage, au septième ciel. J’avais 28 ans et c’était la consécration. Cela faisait 18 ans que la Roma n’avait pas gagné le championnat, donc on était en pleine apothéose. Après ça, je pouvais quasiment arrêter tellement j’avais un sentiment de plénitude. Avec Batistuta, Montella, Totti, Cafu, Samuel, Emerson, Tommasi… On avait de très grands joueurs mais surtout, c’était un superbe groupe.

Depuis votre retraite en 2007, vous êtes resté très apprécié à Rome, au point de rentrer dans le très sélectif Hall of Fame du club. Que vous inspire cet amour ?

Évidemment, je n’oublie pas ma racine qu’est la France, mais Rome est la moitié de ma vie depuis quasiment 20 ans. J’y ai grandi comme homme, comme joueur de foot, comme papa… Je dois beaucoup à cette ville et à ce club dont j’apprécie infiniment l’identité, qui est magnifique. Quand on dit que « tous les chemins mènent à Rome », cela prend un sens spécial pour moi. J’ai tout de suite eu un grand feeling avec la ville et le peuple romain, et depuis je travaille à la radio et à la télévision et je préserve ce rapport précieux.

Quelle est votre vision sur la Roma actuelle ?

Aujourd’hui, le championnat italien a malheureusement perdu sa place de meilleur au monde et l’équipe de Rome a commis beaucoup d’erreurs dans la gestion ces dernières années. Encore maintenant, on n’arrive pas à être à la hauteur de la Juventus et c’est ça le problème. Ce qui manque, entre autres, c’est une plus forte présence du président, qui n’est venu qu’une seule fois l’année dernière. Ce qui est très difficile parce qu’avec un président absent, les joueurs font un peu plus ce qu’ils veulent. Cette année est arrivé Spalletti, qui est un très grand entraîneur et a réussi à recadrer les joueurs, mais il manque encore un petit échelon, avec notamment un meilleur mercato. De plus, si le directeur sportif (Sabatini) est parti il y a deux semaines, c’est que quelque chose ne va pas. Pareil pour le directeur général qui devrait changer cette semaine.

À 40 ans, Totti est toujours là. Que vous inspire sa longévité ?

C’est une valeur sûre, Totti. Quelqu’un de sain, un grand homme qui a su se gérer dans le temps et reste le joueur le plus intelligent du championnat italien. Il n’a jamais été le plus rapide, il n’a jamais été le meilleur dribbleur, il n’a jamais été le plus fort physiquement mais il est toujours parmi les plus grands, ce qui est un signe de son intelligence. Il fait partie du patrimoine du football italien et qu’il soit encore là et montre toujours autant d’envie de jouer, ça ne m’étonne pas. Il prouve qu’il est toujours à la hauteur et un grand Monsieur.

Pensez-vous que la Serie A a « permis » à la France de gagner le Mondial 1998 ?

Bien sûr ! Les joueurs d’Italie étaient une grande partie du groupe. Je pense à Deschamps, Desailly, Zidane, Djorkaeff, Thuram… Tous étaient titulaires et ont grandement contribué au succès. C’est le niveau de la Serie A qui leur a permis d’être aussi forts.

C’est grâce à vous que I Will Survive (version Hermes House Band) et son refrain « la lala lala… » sont devenus l’hymne des Bleus en 1998. Comment cela s’est-il passé ?

Dans la bonne humeur ambiante, dans ce bon groupe où régnait une grande harmonie, j’étais, on va dire, le plus branché au niveau musique. J’ai apporté cette musique et petit à petit, à l’entraînement, sur le terrain, dès qu’il y avait un but ou une victoire, on chantait ce « la lala lala ». Donc j’ai apporté la musique mais tout le monde l’a adoptée sur le terrain !

Lors de la séance de tirs aux buts contre l’Italie en quarts de finale, vous annoncez que votre coéquipier, Di Biagio, va manquer son pénalty. Bluff ou intuition ?

Il tire sur la barre ! Je savais ses qualités, dont sa grande frappe. Et j’espérais vraiment que ça sorte ou que ça aille sur un montant. Ça nous a fait aller en demi-finale donc j’étais très heureux pour nous mais j’étais triste pour mes amis italiens que je connaissais tous.

À l’Euro 2000, David Trezeguet marque le but en or contre l’Italie. Vous souvenez-vous de votre réaction ?

David Trezeguet a fait partie des plus grands attaquants du championnat italien, David a beaucoup évolué à la Juventus et son but ne m’a pas étonné. C’était un renard des surfaces. Et à partir du moment où on avait égalisé, les Italiens étaient déjà détruits. J’étais presque sûr qu’ils avaient craqué après le 1-1. On était dans une spirale plus positive qu’eux. Sur le but, on est tous rentrés sur le terrain parce que marquer comme ça, dans les dernières minutes, c’était magnifique. Une joie totale ! Et quel but de David…

Depuis votre retraite, aimez-vous toujours le football ?

Bien sûr ! Jouer entre amis, parler à la télévision, à la radio, regarder des matchs… Le football reste ma passion et ma vie. Je vis sereinement, j’essaie de faire de mon mieux comme papa, puisque j’ai 4 enfants, et ça va très bien comme ça !

@nicolas_basse