Pourquoi l’Italie va gagner l’Euro 2016

Pourquoi l’Italie va gagner l’Euro 2016

2 juin 2016 1 Par Nicolas Basse

Entre ceux qui se lamentent sur les choix de Conte, ceux qui pleurent les blessés et les autres qui tremblent devant le groupe Belgique/Suède/Irlande, quasiment aucun supporter italien ne voit la Nazionale faire un grand parcours. Pourtant, l’Italie va gagner l’Euro 2016. Voici pourquoi.

Pour une fois que les Italiens et les Français sont d’accord sur une question de football… En cœur, ils le clament : « l’Italie n’a jamais été aussi faible que cette année. Ils ne gagneront jamais l’Euro ». Des idées renforcées en France par des chroniqueurs souvent à coté de la plaque et dont le dernier visionnage d’un match de l’Italie remonte à 2014, et en Italie par de nombreuses anciennes gloires qui tirent à boulets rouges sur l’équipe de Conte. Tellement facile de s’en prendre à un groupe sans grande confiance… De toute façon, ils se trompent. Tous.

italiens absents
L’équipe type des Italiens non sélectionnés

Parce que Conte est un grand entraîneur

Alors que même les juventini les plus fervents brûlaient d’admiration pour Conte, certains ont commencé à douter en voyant ses choix de joueurs et tactiques pendant les matchs préparatoires. « Pourquoi se borne-t-il au 3-5-2 ? », « Comment peut-il faire confiance à Thiago Motta, Eder ou encore De Sciglio ? ». Une angoisse qui a augmenté avec l’annonce de la liste des pré-sélectionnés puis des 23 finaux. Pas de Jorginho, Pirlo, Bonaventura, Giovinco, Berardi, Gabbiadini… (« et Balotelli diront les commentateurs français ne suivant pas le foot transalpin »).

Évidemment, tous ces arguments se tiennent. Conte a toujours eu du mal à choisir d’autres systèmes que le 3-5-2, ce qui lui a joué des tours sur la scène européenne avec la Juventus, et compte sur certains joueurs qui ne sont pas forcément les meilleurs. Mais, qu’il soit aimé ou détesté, Antonio Conte n’est pas n’importe qui. Il a un plan. À la Raï, il a récemment déclaré : « Dans une grande compétition comme celle-ci, il faut avoir dès le début un plan de jeu défini et nous l’avons trouvé. Je veux une équipe avec un E majuscule, le collectif devra être plus important que les individualités. Je suis optimiste et je me laisserai rêver« . Pour ceux qui ne l’auraient pas compris, il le répète un peu plus tard : « notre fuoriclasse (joueur de classe mondiale, ndlr), c’est le jeu collectif« .

Au fond il le sait, son équipe n’a pas les individualités qui permettront de faire souvent la différence offensivement, à cause d’un réservoir de joueurs talentueux assez maigre et des blessures qui n’ont rien arrangé (Marchisio, Verratti). Alors il va s’appuyer sur ce que l’Italie sait faire de mieux : le collectif, la tactique et la solidité défensive. Ça tombe bien, ce sont des valeurs qu’il adore ! Qui mieux que lui sait transcender un groupe pour en faire une équipe de guerriers ? Qui d’autre peut aussi bien fédérer une équipe autour de concepts de jeux uniques ?

Les titulaires pour l’Euro

Parce que le 3-5-2 (et plus si affinités)

Pour mettre son plan et ses valeurs en place, Conte devrait s’appuyer sur le 3-5-2 déjà vu en éliminatoires et aligné contre l’Écosse, avec une onze sans grande surprise. Pas de joueur clé au milieu ni en attaque certes, mais un système qui va en déranger beaucoup. Jouer contre une équipe en 3-5-2 est assez rare, surtout au niveau des équipes nationales, et peut s’avérer infernal pour qui ne sait pas manœuvrer ce genre de formation.

D’autant plus que Conte est un maître du 3-5-2 (contrairement à un certain Laurent B.) et qu’il sait l’adapter à n’importe quel style de jeu. Ainsi, il suffit de quelques secondes pour que le 3-5-2 se transforme en 5-3-2 prêt à tout subir avec les ailiers qui redescendent d’un cran, ou en 3-4-3 de contre-attaque avec un milieu central passant plus offensif, en 4-4-2 pour tenir le ballon avec un ailier passant latéral et coulissant la défense sur le coté… Tout est possible. Un vrai casse-tête pour les entraîneurs adverses.

Ainsi, avec groupe assez limité mais ultra-motivé et rigoureux tactiquement, Conte peut s’appuyer sur une formation infernale, à condition que chacun puisse donner le maximum physiquement. Un plan qui justifie donc l’éviction de joueurs talentueux mais encore trop tendres tactiquement/au comportement limite ou encore de joueurs expérimentés mais à court en terme de forme.

Parce que la défense

Buffon, Chiellini, Bonucci, Barzagli, De Rossi. Voilà l’axe défensif de l’Italie 2016. Si la moyenne d’âge  de ces cinq-là dépasse largement les 30 ans, aucune autre équipe du tournoi ne peut se vanter d’avoir un secteur défensif aussi fort : le meilleur gardien du monde (ok, Neuer n’est pas TRES loin derrière), le meilleur trio défensif de la décennie et un des plus grands milieu défensif du monde, très en forme après une année compliquée. Et puis pour défendre, quoi de mieux que l’expérience ? Rien qu’à eux deux, Buffon et De Rossi comptent plus de 259 sélections. Qui dit mieux ? Il  en faudra, du talent, pour prendre les deux champions du monde au piège et pour ne pas buter sur l’arrière-garde de la Juventus. Avec cette base défensive ultra-solide, l’Italie partira au moins avec une certaine confiance.

Un petit mot sur les deux milieux, Giaccherini et Florenzi. Ils auront un rôle à mu
ltiples facettes : tantôt milieux centraux en phase défensive, tantôt milieux offensifs axiaux en phase de possession mais aussi pouvant à tout moment s’excentrer sur les ailes en cas de contre éclair. Encore une preuve des différentes options que laisse le 3-5-2 de Conte.

Et puis offensivement, tout n’est pas si sombre. Pellè peut avoir un vrai rôle de pivot/joueur de surface et faire un grand tournoi, tandis qu’Eder ou Insigne (on rêve un peu, il ne sera jamais titulaire) est capable de mettre le feu. Et sur les cotés ? Darmian à gauche, solide derrière mais décevant dans la moitié adverse, avec un rôle plus défensif (Conte aime déséquilibrer légèrement ses équipes d’un coté ou de l’autre) et à droite Antonio Candreva. Très décrié, il n’en reste pas moins une valeur sûre sur sa ligne de touche, doté d’une grosse frappe de balle et d’une bonne pointe de vitesse.

Parce que Thiago Motta

Oui, on exagère un peu. Thiago Motta ne fera pas gagner l’Euro à la Nazionale. Pour l’instant, la seule chose qu’il a réussi à faire, c’est irriter l’Italie entière en endossant le numéro 10. Dans toute la Botte et même au-delà, l’indignation s’est fait ressentir : « comment un numéro attribué à Del Piero, Totti ou encore Cassano pourrait revenir à T. Motta ? », « pourquoi un joueur n’ayant jamais rien prouvé en équipe d’Italie porterait ce numéro mythique ? », « c’est un véritable scandale ».

L’affaire aura montré une chose : l’équipe est extraordinairement soudée et prête au combat. Tous les joueurs ont apporté leur soutien à Motta et parmi eux De Rossi, en première ligne, a clôturé un grand nombre de bouches : « il n’a pas choisi le numéro 10 mais il l’a accepté parce qu’on lui avait proposé. Il y a des gens qui s’amusent de ça, qui font de l’ironie avec ce numéro en le comparant avec les numéros 10 du passé. Je vous invite à faire deux jongles avec lui avant de parler. Pour ce qu’il a fait et gagné, Thiago Motta mérite le respect. C’est un joueur digne d’être numéro 10. Ceux qui font quelques blagues sur lui doivent d’abord se rincer la bouche ». Et effectivement, certains ont la mémoire bien courte. Ce n’est pas parce que Motta a fait une saison en dessous avec le PSG qu’il ne reste pas un très, très grand joueur.

De toute façon, Thiago Motta ne sera pas titulaire et ne devrait jouer qu’à la place de De Rossi ou en cas de changement de système. L’avoir sur le banc reste un vrai plus pour l’Italie. D’ailleurs, ces remplaçants italiens ont fière allure : Sirigu, Marchetti, Ogbonna, Parolo, Sturaro, Bernardeschi, De Sciglio, El Shaarawy, Insigne, Zaza et Immobile. Un juste milieu entre joueurs de talents et vrais guerriers.

Parce que l’Italie

Bien sûr, nous avons été présomptueux. Mais il s’agit ici de l’Italie. Ne pas voir grand serait indigne de cette équipe, de la ferveur qui l’entoure et de son histoire. 4 Coupes du Monde, 1 Euro et finaliste de l’Euro 2012. Une équipe qui sait se surpasser dans les grandes compétitions. Une équipe qui, blessée et loin d’être favorite, est plus dangereuse que jamais. Une équipe entraînée par un homme avec une idée bien précise du football et des joueurs prêts à le suivre jusqu’au bout. Une équipe, comme le disait si bien Cruyff : « qui ne peut pas vous battre, mais contre laquelle vous pouvez très bien perdre ». À l’expérience, à la ténacité, à la tactique et à l’envie de gagner plus forte que tout.

@nicolas_basse