L’udinese, machine à talents

L’udinese, machine à talents

10 décembre 2014 2 Par Nicolas Basse

Ils s’appellent Alexis Sanchez, Cuadrado, Benatia et jouent dans les plus grands clubs du monde. Leur point commun ? Ils ont tous été dénichés par l’Udinese et revendus à prix d’or. Portrait d’un club digne des plus belles parties de Football Manager.

Un peu d’histoire pour commencer. La Societa Udinese di Gimnastica e Scherma est fondée en 1896 à Udine, charmante ville située au nord est de l’Italie, entre l’Autriche et la Slovénie. Après six mois consacrés uniquement à la gym et à l’escrime, la Societa lance sa section football et remporte le titre de champion d’Italie dès sa première année d’existence ! Seulement, ce Scudetto ne sera jamais comptabilisé par les instances transalpines puisque la Fédération Italienne n’est créée qu’en 1898.

Les années passent et les Zebrette font le yo-yo entre la Série A et la Série B. En 1923 ils changent définitivement de nom pour Udinese Calcio. Plus sobre. Rien à signaler jusque la saison 54/55 avec une seconde place derrière le Milan AC de Gunnar Nordahl, élu pour la 5ème fois meilleur buteur du Calcio. Les choses sérieuses commencent vraiment en 1976 avec la livraison du Stadio Friulli, toute nouvelle enceinte de 41 000 places. Dix ans plus tard Giampaolo Pozzo, riche industriel de la région, décide d’acquérir l’Udinese pour monter un projet à long terme. En 2014, il est toujours là. 1995 voit le club remonter en Série A après quelques années de passage. Très vite l’Udinese monte sur la scène Européenne, en 98, 2005, 2009, 2011 et 2012, grâce à des fins de saison en boulet de canon devenus quasiment la marque de fabrique du club sous Francesco Guidolin. Des résultats très satisfaisants qui s’expliquent surtout par une excellence dans le recrutement.

Cuadrado, Sanchez et les 50 recruteurs

En prenant en main l’Udinese le président Pozzo sait bien que son club ne pourra jamais rivaliser avec les budgets colossaux des Milan, Juventus ou Inter. Alors il décide de lancer une politique de découverte de jeunes talents qui s’impose comme un modèle à partir des années 2000. Le principe est simple : 50 recruteurs travaillent à temps plein à travers le monde, notamment en Afrique et en Amérique du Sud. Tout ce réseau reste continuellement connecté et pour qu’un jeune joueur soit sélectionné et approché, le recruteur l’ayant déniché doit obtenir l’aval de ses 49 autres collègues. Pour cela il est tenu de leur envoyer des vidéos de son poulain et d’écrire des rapports très détaillés. Si l’ensemble de la cellule de recrutement est convaincue, et seulement à cette condition, le club entreprend des démarches pour s’attacher les services du joueur. Quelques noms, histoire d’illustrer l’efficacité de ce processus ? Cuadrado, Alexis Sanchez, Asamoah Gyan, Candreva, Isla, Inler, Handanovic, Kwadwo Asamoah, David Pizzaro, Zapata…

Si cette méthode marche surtout avec les jeunes joueurs, elle est aussi utilisée de manière allégée pour des footballeurs ayant déjà une petite carrière derrière eux. C’est comme ça que Thomas Heurtaux, Mehdi Benatia ou encore Cyril Théréau se sont retrouvés à Udine, toujours pour des sommes inférieures à 1 million d’euro. De cette politique de transferts Arsène Wenger dira « c’est merveilleux. Leur système est rodé et fait envie à tous les clubs adeptes du recrutement post-formation. Arsenal compris ». Ironie de l’histoire : même si l’Udinese ne pratique presque pas la formation, un joueur extraordinaire est sorti des équipes jeunes du club l’année dernière. Ce joueur, c’est Simone Scuffet, considéré à seulement 17 ans comme le nouveau Gigi Buffon.

En mode FM

Aujourd’hui les Zebrette ont 98 joueurs sous contrat. Un chiffre digne des plus belles parties de Football Manager. Parmi eux, plus de 50 sont en prêt, notamment à Watfort et Grenade, deux clubs dont le président est…Giampaolo Pozzo en personne ! Preuve de la qualité des joueurs prêtés : le club de Grenade a accédé l’année dernière à la Liga avec deux montées en 3 ans. Fou.

Grâce à cet effecif pléthorique l’Udinese peut tester ses joueurs déjà triés sur le volet et récupérer ceux qui s’illustrent le mieux en prêt. Mais voilà la limite structurelle du club : il ne peut conserver longtemps ses trésors et doit constamment se renouveler. Un défi très dur dû aux offres mirobolantes des grands clubs pour ces jeunes pleins d’avenir. C’est simple, sur les 5 dernière années, les Zebrette ont engrangé presque 200 millions d’euros, pour à peine 20 millions dépensés. Au moins un club qui n’aura pas le fair play financier sur le dos. Cet éternel recommencement découverte/prêt/réussite au club/départ pour un grand club n’est pas vécu avec fatalisme chez les dirigeants, c’est leur choix et ils l’assument. Ainsi ils peuvent se targuer d’avoir vu passer les plus grands joueurs dans leur effectif et d’être chaque année largement en positif. Seul hic au tableau, les jeunes espoirs des deux dernières saisons peinent à s’imposer. Guilherme, Lucas Evangelista ou encore Luis Muriel ne montrent pas encore leur potentiel et Nicolas Lopez ne joue pas autant que prévu dans son club de prêt, l’Hellas Vérone.

Mais à quoi bon s’inquiéter ? Tôt ou tard leur talent explosera aux yeux de l’Italie et du monde. Comme l’ont fait Cuadrado, Alexis Sanchez ou Inler avant eux. Et si quelque chose arrivait ? Et si le club n’atteignait plus son niveau d’excellence de recrutement ? Et bien Antonio Di Natale serait là. Comme toujours, comme depuis 10 ans. Et si entre temps il raccroche les crampons, il les ressortira pour sauver son club de coeur, lui qui a toujours refusé l’appel des grands d’Italie. Nous lui consacrerons un portrait dans les semaines à venir.