Ces tactiques venues d’Italie

Ces tactiques venues d’Italie

1 novembre 2014 8 Par Nicolas Basse

Si au début du XXème siècle certaines équipes évoluaient encore en 2-3-5, les dispositifs se sont uniformisés dans les années 30. Depuis, le football a connu assez peu de changements tactiques importants. Trois d’entre eux ont vu le jour en Série A, preuve s’il en fallait que le championnat Italien est une terre d’innovation.

catenaccio

Le Catenaccio

En Français « cadenas ». Le nom pourrait presque se suffire à lui-même et se passer de commentaire. Quand on pense catenaccio on imagine tout de suite une équipe complètement repliée qui fait tourner, assez insupportable à regarder, entre la Lituanie qui gare son bus devant le but et une équipe de Mourinho parée au combat. Et bien pas vraiment. Alors oui, le schéma est ultra défensif sur le papier : 5 défenseurs, dont un libéro (défenseur derrière les défenseurs) et deux latéraux, 2 milieux défensifs, 2 milieux offensifs assez excentrés et un attaquant. Mais le but de cette tactique est de s’appuyer sur une solide base arrière, capable de subir et de se projeter d’un coup seulement après avoir ouvert le score. Autrement dit, le catenaccio implique forcément de marquer au moins un but dans le match. Très répandu jusque dans les années 90, ce dispositif est encore utilisé par certains entraîneurs. Manque d’ambition pour les amateurs de spectacle à tout prix, génie froid pour qui considère que seule la victoire est belle. Le premier à avoir employé cette tactique est le Français Robert Accard dans les années 20. Une expérience nommée « béton » qui tourne court puisqu’elle engendre de très mauvais résultats pour son club. Quelques années plus tard les Suisses s’y essaient aussi, sans grand succès. Jusqu’en 1949, le catenaccio est oublié.

Superga et Herrera

Si aujourd’hui le Torino est dans l’ombre de son rival Juventini, cela n’a pas toujours été le cas. Dans les années 40, le Toro domine l’Italie, outrageusement, et remporte 5 titres de champion en jouant un football phénoménal. Certains parlent d’une des plus belles équipes de tous les temps. Mais le 4 mai 1949 se produit le plus terrible drame du football Italien : le crash de l’avion du Torino sur la colline du Superga. De cet accident, l’équipe de Turin ne se relèvera jamais. Parmi les victimes se trouvent 18 joueurs du club dont 8 internationaux Italiens majeurs. Privés de ses meilleurs éléments, l’équipe d’Italie est contrainte d’adopter une tactique lui permettant de préserver son statut de (déjà) double championne du monde. Le catenaccio sera privilégié pendant des années avec à la clé des résultats mitigés.

A la même époque, un jeune entraineur fait ses classes en France et entend parler de ce « cadenas ». Intéressé, persuadé que ce schéma peut rendre une équipe imperméable, il décide de l’étudier puis de l’appliquer. Cet entraineur, c’est le légendaire Franco-Argentin Helenio Herrera. Lorsqu’il arrive à l’Inter Milan en 1960, son choix du catenaccio surprend un peu puisqu’aucune équipe l’utilisant ne réussit de merveilles. Seulement, Herrera, qui détestait qu’on l’associe au mot catenaccio, modernise cette tactique. Les latéraux prennent davantage les couloirs et les milieux jouent un peu plus haut. Un choix gagnant jusque son départ en 1968 avec dans la poche trois titres de champion d’Italie et deux ligues des champions, remportées contre le Real Madrid de Di Stefano et Puskas et contre le Benfica d’Eusebio, rien que ça.

La méthode Sacchi

On dit souvent que les trois meilleures équipes de tous les temps sont le Barca de Guardiola, l’Ajax de Rinus Michel et le Milan d’Arrigo Sacchi. Pour la première, pas convaincu. Pour la seconde, d’accord. Pour la troisième, évidemment ! Jeune, Arrigo Sacchi est joueur de divisions inférieures. Très vite, il se rend à l’évidence : son niveau est médiocre. Raisonnable, il préfère arrêter sa carrière sur le terrain et part étudier la théorie du football aux Pays-Bas. A son retour, Sacchi entraine des équipes de jeunes et de Série C et B avec de très bons résultats. Et là, alors qu’il n’a jamais pris en main un club de première division, le natif de Fusignano est repéré par le nouveau dirigeant du Milan AC, Silvio Berlusconi, qui le convainc de venir avec lui à Milan. Dès lors, une relation de grande confiance nait entre les deux hommes.

« Entre l’équipe et Sacchi, je choisis Sacchi »

Les débuts sont compliqués pour le jeune entraineur. Les joueurs rejètent sa méthode de travail et ses idées arrêtées. L’incompréhension est totale et la rupture semble proche. Seulement, un soir de match, Silvio Berlusconi glisse à chacun de ses joueurs cette phrase : « sache juste qu’entre l’équipe et Sacchi, je choisis Sacchi ». A partir de la semaine suivante, tout change. Les joueurs se laissent séduire par la philosophie de jeu de Sacchi et s’adaptent à ses volontés. Au lieu de quatre entrainements par semaine, le groupe s’exerce au moins deux fois par jour. Le travail est éreintant. En match, le 4-4-2 est utilisé. Mais là où Sacchi révolutionne le football, c’est que chaque joueur, pas seulement les défenseurs comme c’était le cas à l’époque, a une zone déterminée qu’il doit contrôler. La défense à 4 est alignée, sans libéro (du jamais vu), et joue le hors-jeu sur chaque attaque. L’équipe exerce un pressing constant et organisé. Souvent, tous les joueurs évoluent dans la moitié de terrain adverse. Confrontés à ce bloc compact, les adversaires sont étouffés et n’arrivent pas à suivre le rythme imposé par le Grand Milan.

Maradona ? Non merci

Arrigo Sacchi ne reste au Milan que 4 saisons, de 1987 à 1991. Cela n’empêche pas son équipe de remporter 1 scudetto, 2 ligues des champions, 2 Supercoupes d’Europe et 1 coupe d’Italie. L’empreinte laissée par ce Grande Milan est impressionnante.  De nombreux entraineurs, dont Houiller et Wenger, lui rendent visite pour voir sa méthode de travail. Ils en repartent marqués. Il est dit de Sacchi qu’il préférait les schémas aux joueurs et que pour cette raison il aurait refusé Maradona, jugé trop individualiste pour se fondre dans son collectif. Pourtant, il faut reconnaitre que les Donadoni, Maldini, Baresi, Ancelotti, Rijkaard, Gullit, Costacurta et Van Basten ont bien contribué à ces magnifiques saisons. Elu meilleur entraineur de tous les temps par SoFoot, Arrigo Sacchi a marqué toute la génération d’entraineurs Italiens suivante, que ce soit Lippi, Capello ou Ancelotti. Le mot juste revient à l’Equipe, qui écrivait au lendemain d’une finale de ligue des champions remportée par Sacchi : « Après avoir vu ce Milan, le football ne pourra plus jamais être le même ».

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Ancelotti et le 4-3-2-1 en sapin de Noël

Carlo Ancelotti joue sous les ordres de Sacchi à l’AC Milan. Fasciné par l’entraineur, il décide à la fin de sa carrière de devenir l’un de ses adjoints en équipe d’Italie. Auprès de son mentor, Carlo apprend la culture tactique, la rigueur, la discipline et l’importance primordiale du collectif. Tout cela il l’intègre en y ajoutant sa touche personnelle, le rapport humain voire paternaliste avec ses joueurs. Ancelotti aime les schémas mais encore plus les hommes qui les composent. Ce sont ses amis, ses enfants. Il leur parle, les écoute, partage énormément de moments hors des terrains avec eux. D’ailleurs, nombreux sont ceux qui ressentent un véritable vide après son départ dans un autre club. C’est en gagnant le respect et l’amour de ses joueurs qu’Ancelotti pose son autorité et se fait comprendre. Appréciés, écoutés, ses footballeurs se fondent les yeux fermés dans le schéma très technique du Mister. 

Gagner les mètchs

Carlo Ancelotti n’est pas seulement un fin psychologue, c’est aussi un grand tacticien et une machine à gagner. Après deux ligues des champions remportées en tant que joueur, il en ajoute trois à son palmarès de coach. Une en 2014 pour la Decima du Real Madrid et deux avec l’AC Milan en 2003 et 2007. Si ses succès s’appuient sur des effectifs de très haute qualité, c’est par la tactique qu’Ancelotti peut afficher au compteur 530 victoires sur 924 matchs dirigés, monstrueux. Cette tactique, c’est le 4-3-2-1 dit en sapin de Noël. Un système très axial puisque les 3 milieux devant la défense ne vont que rarement dans les couloirs et parce que les 2 milieux offensifs ne sont jamais sur la ligne de touche. Il ne faut pas l’oublier, Carlo Ancelotti est Italien. Et pour un Italien, la défense c’est sacré, prendre un but, un drame. Voilà pourquoi son dispositif composé de trois milieux centraux, dont deux travailleurs et un en rampe de lancement, est très efficace pour fermer les espaces, couper les lignes adverses et se retrouver en supériorité numérique en phase défensive. Avec un bon pressing, la récupération de balle se fait assez haut et les latéraux peuvent s’engouffrer dans leurs couloirs, couverts, en cas de contre attaque, par les milieux centraux capables de coulisser sur les cotés. La force de ce système est son aspect imprévisible. L’équipe peut se lancer dans d’assassines contre-attaques comme elle peut prendre son temps et placer des phases offensives construites, patientes, orchestrées par son milieu de terrain ultra-technique. Si Ancelotti utilise moins ce 4-3-2-1 depuis son départ d’Italie, on l’a vu de temps en temps à Chelsea, Paris (avec Jallet milieu central) et Madrid. En tout cas, son Milan de 2007 aura été une des plus belles équipes des années 2000, avec ses Nesta, Maldini, Gattuso, Pirlo, Seedorf, Kaka et Inzaghi.