Montolivo ou le retour d’un incompris
Blessé et absent de la Coupe du Monde 2014, Riccardo Montolivo a mis beaucoup de temps pour revenir sur les terrains et encore plus à retrouver son niveau d’antan. Un niveau qui a toujours été source de débat.
Le 11 septembre 2003, une jeune joueur étrenne pour la première fois le maillot de l’Atalanta Bergame dans un match officiel en Serie B. Ce pur produit d’un centre de formation réputé, qui aura formé Alessio Tacchinardi, Gaetano Scirea, Giampaolo Pazzini ou Rolando Bianchi, c’est Riccardo Montolivo. Discret et longiligne, il s’impose très vite comme titulaire au milieu de terrain. L’année suivante, la montée du club en première division lui permet de se faire remarquer par les cadors Italiens avec 32 matchs joués et des prestations prometteuses. En fin de saison, il rejoint une Fiorentina sauvée de la relégation de justesse contre 5,5 millions d’euros alors que son club formateur, bon dernier, repart en Serie B.
À Florence il rencontre l’ambitieux Cesare Prandelli, le nouvel entraîneur dont toute l’Italie parle. Aspirant titulaire avec 20 matchs au compteur, Montolivo participe à la grande saison de la Viola qui termine quatrième de Serie A, emmenée par son buteur Luca Toni qui finira l’année avec 31 réalisations. Un bonheur contrarié par l’affaire du Calciopoli et une rétrogradation administrative à la 9ème place. Qu’à cela ne tienne, les hommes de Prandelli sont portés par un projet de jeu léché et offensif et offrent un bel exercice 2006-2007 en finissant sixièmes, malgré 15 points de punition écopés en début de saison.
Le nouveau Pirlo ?
Parmi eux, Montolivo, devenu titulaire indiscutable avec 36 matchs disputés, joue un rôle primordial au milieu central. Capable de récupérer les ballons dans les pieds des adversaires avec une hargne bien masquée par un aspect nonchalant, il est surtout très rapide dans la remontée de balle avec des passes courtes précises et toujours dans le rythme. Montolivo aime le jeu, toucher le ballon, l’avoir près de lui. Pas le genre à faire de longues courses à 35 km/h dans tous les sens, non, un milieu intelligent utile aussi bien devant sa défense que juste derrière ses attaquants. En 2007, il est appelé pour la première fois en équipe nationale. Certains commencent à voir en lui « le nouveau Pirlo ». Le début du quiproquo. En 2008, parmi les 24 pré-convoqués de Donadoni pour l’Euro 2008, c’est à lui que le sélectionneur demande de rentrer au pays.
Les années passent sous les ordres de Prandelli avec de beaux parcours en Coupe UEFA et Montolivo récupère le brassard de capitaine après le départ de Dainelli en 2010. Quelques observateurs et proches du club reprochent cette décision de la Fiorentina, jugeant le joueur trop mou, manquant de charisme et surtout pas assez décisif. Les mêmes qui espéraient voir en lui le nouveau Pirlo. Les mêmes qui pensaient que le rôle d’un milieu central était de marquer 10 buts par saison plutôt que de stabiliser toute une équipe pendant 50 matchs chaque année.
Direction Milan
Pour l’exercice 2010-2011, exit Cesare Prandelli parti diriger la Squadra Azzura, place à Siniša Mihajlović. Blessé en début de saison, Montolivo se fait opérer de la cheville et ne participe « qu’à » 29 matchs. Courtisé par les clubs les plus prestigieux du pays et retenu par sa direction, il prend une décision rare en Italie : ne pas renouveler son contrat pour mieux partir libre au mercato d’été 2012. À peine sa décision est-elle révélée que les critiques fusent : trahison, aucun amour pour le maillot, pas de respect pour ses équipiers. D’ailleurs, le brassard lui est retiré pour sa dernière saison. Mais oui, pourquoi un joueur de 26 ans aussi talentueux voudrait-il bien quitter un club stagnant désormais dans le ventre mou pour un autre qui joue le titre chaque année ? Après 7 ans et 259 matchs sous les couleurs violettes, il rejoint l’AC Milan d’Allegri en 2012 tout juste second de Serie A.
Pendant l’été il fait taire les critiques. Sous les ordres de son ancien entraîneur à la Fiorentina Cesare Prandelli, Montolivo est titulaire à l’Euro 2012 dans un milieu à quatre avec De Rossi, Pirlo et Marchisio. Précis, gros travailleur, partout, il participe au parcours de la Nazionale jusqu’en finale portée par la puissance du milieu Italien et délivre notamment une passe décisive à Balotelli en demies contre l’Allemagne.
Ce que Montolivo l’ambitieux n’avait pas vu venir, c’est que son arrivée à Milan coïncide avec les départs de Nesta, Gattuso, Inzaghi, Zambrotta, Seedorf, Thiago Silva, Zlatan Ibrahimović et Cassano. Avec Nocerino et Ambrosino, il évolue dans le milieu à trois d’Allegri qui lui donne les clés du jeu. Éliminés en 8èmes de finale de Ligue des Champions et troisième de Serie A, l’AC Milan, pourtant tout juste orphelin de tous ses cadres, est vivement critiqué. Même Berlusconi s’y met, regrettant le manque de spectacle produit par son équipe.
La blessure
En 2013-2014, Allegri confie la brassard à Montolivo après le départ d’Ambrosini. Un signe de plus pour ceux qui, se croyant les seuls à l’avoir remarqué, se plaignaient depuis des mois de la baisse de niveau de l’AC Milan. Certains en profitent également pour reprocher à l’ancien joueur de la Fiorentina de n’avoir pas fait de « saut de qualité » depuis son arrivée dans ce top club. Si le capitanat de Montolivo est un signe de perte de vitesse de Milan criant, surtout lorsqu’on regarde la liste de ses prédécesseurs, Allegri n’en est pas le responsable, ni même les dirigeants. Le club traverse une crise financière, une génération dorée part à la retraite, la Serie A a perdu de sa superbe sur la scène Européenne et aucun jeune ne sort vraiment du lot. Quant au « saut de qualité » demandé à Montolivo, difficile de l’accomplir dans ces conditions et sans fuoriclasse autour de lui. Le 13 janvier 2014 Allegri est remplacé par Seedorf et l’AC Milan termine huitième.
Capitaine de cette saison pourrie, Montolivo entend bien se refaire le moral avec les Azzuri au Brésil pour la Coupe du Monde 2014. L’événement à ne pas manquer. Le rendez-vous des meilleurs joueurs de la planète au pays du football où l’Italie, après un bel Euro 2012, fait figure d’outsider. Malheureusement, le 31 mai 2014, il se fracture le tibia après un contact avec Alex Pearce en match amical contre l’Irlande du nord. En larmes et sur civière, il quitte la pelouse en disant « È rotto, è rotto » (« c’est cassé, c’est cassé »), déjà conscient que son rêve Brésilien ne se réaliserait jamais.
Et maintenant ?
Sa saison 2014-2015 avec l’AC Milan reste quasiment vierge puisqu’il met des mois à revenir sur les terrains et ne joue qu’une dizaine de matchs. Son vrai retour se fait cette saison. Avec Mihajlović entraîneur, il retrouve son brassard de capitaine perdu durant sa blessure et joue tous les matchs. Seul problème : son niveau tarde à revenir. Ses prestations sont discrètes, inconstantes et Montolivo ne pèse pas sur le jeu. Il touche peu de ballons, joue moins vers l’avant. Forcément, les supporters ont peur. Retrouvera-t-il un jour son niveau ou est-il devenu un joueur banal ?
Plus le temps passe et plus la seconde réponse semble s’imposer, jusqu’à… Jusqu’au début d’année 2016 avec le derby contre l’Inter Milan, où les spectateurs voient le réveil du vrai Montolivo. Omniprésent au milieu de terrain, tant dans la récupération que dans la relance, Riccardo pèse sur le match remporté 3-0 par ses partenaires. Une performance répétée contre Palerme et le Genoa qui laisse présager du meilleur. Montolivo semble de nouveau serein, facile et doté d’une intelligence de jeu rare.
À 31 ans et à 6 mois d’être libre de tout contrat, il est temps de faire un constat. Non, malgré ce que tant de gens ont voulu croire, Montolivo n’est pas un joueur de niveau mondial, capable de faire basculer un match à lui tout seul, ce que personne ne peut d’ailleurs lui reprocher. Ce n’est pas non plus un spécialiste des coups de pied arrêtés comme Pirlo. Riccardo Montolivo n’est « qu’un » très bon milieu de terrain, utile à n’importe quel genre d’équipe pour équilibrer son jeu. C’est justement ce dont l’AC Milan aura besoin, en plus de quelques grosses recrues, si l’équipe aux 7 Ligues des Champions compte retrouver un jour les sommets Italiens et Européens.