SLO de Milan : « Maintenir une légitimité auprès des fans »

SLO de Milan : « Maintenir une légitimité auprès des fans »

13 janvier 2022 3 Par Nicolas Basse

Le SLO (Supporter Liaison Officer) ou référent supporter est un rôle en pleine expansion au sein des équipes et confronté à de nombreux sujets sensibles : sécurité, Covid, relation à construire avec les Ultras mais aussi le racisme. Fabio Pansa, chef du département SLO de l’AC Milan, détaille pour Serie A Mon Amour ce poste singulier de médiateur entre le club et ses supporters.


Comment êtes-vous devenu Supporter Liaison Officer de l’AC Milan ?

Fabio Pansa : Je travaillais déjà pour Milan comme directeur et coordinateur des écoles de foot du club à travers l’Italie. Je suis un très grand fan et cette passion m’a mené au poste de chef du département SLO. C’est un choix du manager de Milan qui à l’époque était en charge de tout l’aspect sécurité de l’équipe. Cela fait plus de dix ans que je suis à ce poste désormais.


Combien êtes-vous actuellement dans ce département SLO ?

Pour l’instant nous sommes deux. Moi-même et Tomas Berger. Avec la direction, nous planifions de construire une équipe plus large, avec 3 à 4 nouveaux membres, pour atteindre 5 à 6 éléments au total. Nous prenons en compte les nouvelles directives de l’UEFA, qui attend de chaque club européen en 2 et 5 nouveaux membres dans les équipes SLO pour représenter les groupes de supporters. L’UEFA a pour objectif de faire sentir aux fans qu’ils sont bienvenus et les impliquer dans certaines décisions des clubs. Notamment dans les réunions du conseil d’administration. Cela sera l’occasion de voir les supporters donner leur avis sur les décisions annuelles du club. L’AC Milan soutient cette initiative afin d’avoir plus d’union et de cohésion en son sein.


Pourquoi ce rôle de SLO est-il si important ?

Le rôle se développe tous les jours. Cela influence grandement l’évolution d’un club dans la durée. Le but est de préserver un équilibre dans les relations avec la direction, les propriétaires et les fans, en agissant comme un médiateur. Nous essayons chaque jour de satisfaire les différentes parties. Faire preuve de diplomatie et de mesure permet de maintenir une légitimité auprès du club et des supporters. Évidemment, cela signifie qu’un « mauvais mouvement » peut déplaire d’un côté ou de l’autre, voire des deux.


Quelles sont les tâches récurrentes d’un SLO ?

Tout dépend des matches et des résultats. L’objectif principal est de faire de la prévention pour la sécurité des fans. Les tifosi doivent profiter, ne pas être mis en danger, assister sereinement aux matches. J’ai de nombreuses réunions avec les départements proches du SLO : marketing, billetterie, ventes, afin de prendre les meilleures décisions avant les matches.

Quand Milan joue à San Siro, nous échangeons de nombreuses informations avec le département SLO du club visiteur. Quel sera le parcours de l’équipe adverse jusqu’à Milan puis San Siro ? Une estimation des fans venant au stade ? L’envoi à l’avance des bannières et drapeaux que les tifosi visiteurs voudraient afficher à San Siro afin de les faire valider par les autorités locales en amont. Nous parlons aussi des informations liées au parking et aux stands de nourriture et de boisson. Enfin, nous échangeons sur le parcours des fans prévu pour se rendre au stade. C’est très important, afin de le communiquer aux autorités locales et à la police pour la prévention. Cela permet d’éviter des rencontres entre les fans des deux équipes avant la partie. Toutes ces informations en provenance du SLO adverse nous permettent d’ajuster le nombre de personnels (sécurité, entrées, parking…) au stade, match par match. A minima, il y a en général 3 000 personnes travaillant autour et dans le stade à chaque rencontre, que ce soit du club ou d’entités extérieures (police, par exemple).

Deux jours avant le match, la police nous demande d’assister à une réunion au commissariat principal de Milan avec les pompiers, la police, les services hospitaliers et les transports de la ville pour discuter des sujets d’ordre public et de sécurité en vue du match. Hors pandémie, San Siro peut facilement accueillir 50, 60, 70 000 personnes. Tout doit être préparé au cordeau pour que cela se passe le mieux possible.


Et au quotidien ?

Chaque jour, nous avons certains fans et les représentants des groupes de supporter par message. Le but est de maintenir une relation de confiance. Écouter leurs désirs, leurs requêtes, leur fournir le plus d’informations et de recommandations possibles avant les matches et avoir le plus d’infos à communiquer aux autorités pour que tout aille bien.

Même pendant la pandémie, nous n’avons jamais cessé la relation. Surtout pendant le gros lockdown. Nous leur avons montré que nous étions là, et cela a permis de construire une relation de confiance encore plus développée. Les fans ont vu l’engagement de l’AC Milan, et cela s’est aussi traduit par le comportement très positif des fans ces derniers mois dans le stade.


Pour les gros tifos et shows dans les tribunes, y-a-t’il une collaboration entre le club et les fans ?

Les dépenses pour ces chorégraphies sont entièrement à la charge des fans. L’AC Milan n’aide pas de manière financière, c’est interdit. Évidemment, nous proposons aux groupes d’Ultras, avant le match, d’organiser et mettre en place la chorégraphie. Nous aidons également les fans à faire valider ces affiches par le gouvernement italien, dans les réunions deux jours avant les matches à San Siro. Durant celles-ci, nous présentons les projets des fans pour leur validation.


Le racisme dans les tribunes est un sujet d’actualité. L’AC Milan n’a pas connu d’incident important avec ses fans récemment. Mais y-a-t-il un protocole, si cela survient chez vos supporters ?

Comme la relation entre le département SLO et les fans est de confiance, les tifosi réagissent positivement à notre travail. Je pense que c’est une des raisons pour lesquelles, jusqu’à présent, il n’y a pas eu d’épisode de racisme de la part des ultras et fans. Mais on ne sait jamais.

Si cela arrivait, voici la procédure prévue. La première fois, plusieurs réunions et des ateliers/événements pédagogiques seraient menés par notre département. L’objectif ? Sensibiliser les fans avec du contenu ciblé, afin que ces incidents n’arrivent plus. Nous travaillerions avec les représentants des groupes de fans et d’Ultras pour diffuser et amplifier cette prise de conscience.

Si ces actions préliminaires n’étaient pas suffisantes et que des incidents arrivaient à nouveau, nous contacterions la police d’état et les services spéciaux dédiés. Ils ont un département spécifiquement concentré sur les Ultras en Italie, la DIGOS (Divisione Investigazioni Generali e Operazioni Speciali). Nous travaillerions étroitement avec eux pour identifier la ou les personne(s) coupable(s) et prendrions les mesures nécessaires. Les forces spéciales prendraient le relai, et pourraient décider de leur sort. Une amende, une interdiction de tous les stades (du monde) pour un certain nombre d’années. En Italie, cela s’appelle DASPO (Divieto di Accedere alle manifestazioni SPOrtive).


Le projet du nouveau stade avance. Serez-vous impliqué, ainsi que le département SLO de l’Inter, dans certaines décisions d’organisation liées à l’accueil des fans et à la sécurité ?

Les discussions ont déjà démarré avec les autres départements. Nous avons donné nos recommandations en termes d’amélioration de la sécurité et de l’accueil des fans dans ce potentiel nouveau stade. Notre contribution est importante, notamment sur l’organisation de la circulation des fans pour arriver au stade et se déplacer dans le stade. Nous pensons également à la fin des matches, avec des mesures pour éviter toute confrontation à la sortie de l’enceinte.


Le Covid a-t-il modifié le soutien des fans ?

La fin du deuxième lockdown, mais aussi du premier, a eu un énorme impact sur les fans. Cela a ravivé l’intérêt et la passion des fans pour l’univers du football. L’enthousiasme a également augmenté à Milan avec la saison dernière, à la fin de laquelle nous avons terminé deuxièmes et avons assuré une place en Ligue des champions, ce qui n’était plus arrivé depuis des années.

Les gens reviennent au stade, se libèrent de leurs frustrations. Mais la pandémie n’est pas terminée. Nous avons récemment (interview menée le 7 janvier 2022) reçu les nouveaux protocoles officiels réduisant la capacité d’accueil des stades de 75 à 50%. Ce n’est pas facile à gérer, car nous ne pouvons pas satisfaire tous les fans qui veulent se rendre au stade. Nous espérons que la vaccination permettra dans les mois à venir de repasser à 75, voire 100% de capacité d’accueil. Cela facilitera notre travail avec plus de sièges disponibles. Nous espérons surtout que, dans les semaines prochaines, les matches ne se joueront pas à huis clos. Cela mettrait un gros coup au moral des fans et pourrait avoir un impact sur la dynamique de l’équipe.


Et les masques ?

Malheureusement, nous avons vu, et ceci est un problème que nous essayons de régler, que dans les secteurs les plus chauds où se trouvent les Ultras, ils ne gardent pas leur masque pendant tout le match. Parce qu’ils chantent et pensent que avec le masque ils ne peuvent pas chanter, et cela les gène.

Ce n’est pas le bon exemple que nous voulons montrer à l’Italie et au monde, car l’AC Milan a pour ambition d’être un modèle. Ils ne gardent pas le masque et ne respectent pas les gestes barrières dans plusieurs secteurs. Le dernier protocole veut que toute personne se rendant dans le stade (spectateurs, travailleurs, staff…) porte un masque FFP2. Pour le match d’hier (Milan-Roma, 3-1), nous avons vu que tous les supporters sont arrivés avec un masque FFP2. Chaque jour, nous essayons de les mener vers le respect des protocoles Covid, afin d’assurer la santé et la sécurité de nos fans.


Quel serait votre plus grand accomplissement, pour le moment, en tant que SLO de l’AC Milan ?

J’ai deux choses en tête. La campagne « Dai un calcio alla violenza e fai gol con la legalità », contre les violences, menée auprès de notre jeune public, qui a connu un grand succès ces dernières années.

Et plus simplement, la confiance qui s’est nouée avec les groupes de fans et de supporters. Les groupes Ultras de l’AC Milan m’ont offert un cadeau très important pour moi. Un plateau d’argent de la part de la Curva Sud de l’AC Milan, avec gravé « Pour Fabio et son équipe, un merci du fond du coeur pour la disponibilité et la grande humanité démontrée. »


Photo ci-dessus : courtoisie de Fabio Pansa


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