Giaccherini, ce génial besogneux

23 juillet 2016 0 Par Nicolas Basse

En dépit de mensurations restreintes, c’est une grande recrue qui vient de signer pour trois ans au Napoli en la personne de Giaccherini. Au terme de son Euro 2016 éblouissant, retour sur un joueur dont l’ascension éclair en sélection a réduit au silence bon nombre de sceptiques.

Joue la comme Beckham ? Pas vraiment

Le numéro 23 floqué dans le dos est probablement le seul élément rapprochant Giaccherini de l’égérie des Galactiques. Tandis que l’anglais est vu comme une évidence en sélection depuis son plus jeune âge, arrivant sous les flash dans chaque nouveau club qu’il honore, le nom de l’italien amorce quelques grimaces à l’annonce, fin mai, de la liste italienne pour l’Euro. Alors que l’icône peaufine avec soin son image de mâle adoré, Giacc’ traîne son statut immérité de mal aimé. Perçu comme illégitime, certains lui prédisent un joli poste de réserviste à l’aube de cet Euro 2016, lui qui n’avait pas été sélectionné par Prandelli pour le Mondial 2014.

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Malgré les railleries et doutes d’observateurs plus ou moins avisés accompagnant sa sélection, le petit Emanuele (1m67) figure bien au premier rang à droite de la photo toute en classe des azzurri et sait qu’il a plus d’une carte à jouer au sein d’une équipe moribonde condamnée par beaucoup car amputée de Marchisio et Verratti. Les amoureux des génies balle au pied devront se contenter d’un besogneux, comme seul le calcio sait en produire. De toute façon, son génie, c’est son absence de talent.

Surprise prévisible

Pourtant, impossible de feindre l’étonnement à son sujet. Le grand public le découvre sur le tard, avec un but tout en vitesse avec Cesena contre le Milan AC de 2010, au nez d’un Ibrahimovic et à la barbe d’un Pirlo médusés. Depuis, Giacc’ a démontré par à-coups une fougue appréciable au sein de collectifs souvent mésestimés, sans jamais faire de saisons complètement pleines et folles. Mais honnêtement, était-il raisonnablement possible de mettre en doute les choix d’Antonio Conte, chef d’orchestre survolant la compétition, quant à cette sélection tant décriée ? Le hasard fait bien les choses car c’est ce même stratège aux nerfs bouillonnants qui fut à la manœuvre lors de l’arrivée de la puce – la Pulce – italienne à Turin en 2011.

Pour cet Euro 2016, difficile de répondre présent si brillamment. À 31 ans, l’italien montre une insolence juvénile, et ce dès la première confrontation. On attendait Hazard, de Bruyne et Lukaku lors du choc Italie-Belgique dans un Parc OL flambant neuf. Contre toute attente, puisque les crédules avaient placé les Belges favoris, c’est le natif de Talla qui exulte dès la 32ème minute avec un but libérateur, à la conclusion d’une ouverture majestueuse d’un Bonucci en état de grâce. Le début du naufrage pour des Belges dépassés. Pied ouvert, Courtois trop court, tout simplement. Pendant que les tifosi savourent leur prestation idyllique, les Diables rouges baissent la tête, comprenant (enfin) que leur rang au classement FIFA est l’une des plus belles escroqueries du football moderne. A contrario, ce premier succès indique, tant aux italiens eux-mêmes qu’à leurs détracteurs, que la Nazionale est armée pour gagner et a l’intention de jouer son Euro avec le couteau entre les dents. Giaccherini, quant à lui, se voit auréolé du titre de man of the match. Pas mal pour un surclassé.

Une fois les poules passées, l’homme à tout faire réitère. Sa tentative de ciseau contre l’Espagne en huitièmes de finale, qui restera LE match à retenir de par ses enseignements tactiques, révèle la confiance acquise en l’espace de quelques semaines de préparation sous l’égide de son protecteur attitré. L’Italie remporte une victoire amplement méritée face à une Roja en fin de cycle et Giaccherini aura couru partout, tout le temps, intelligemment.

L’avenir en bleu

Giaccherini fait donc partie de ces joueurs qui prennent une toute autre dimension lorsqu’ils revêtent la tunique de leur sélection, puisque son arrivée à la Juve suscita au mieux une indifférence cordiale au vu de sa carrière passée et que son passage en Angleterre, à Sunderland, ne marqua pas les esprits. Enfin, seule sa saison 2015-2016 à Bologne, où il évoluait tant à droite qu’à gauche, fut saluée pour sa capacité ahurissante à enchaîner les courses et à se mettre au service du collectif. La Puce contribua grandement à une très honorable quatorzième place (7 buts), assurant par là un maintien inespéré en début de saison.

Alors que de nombreux remous agitent le mercato du championnat italien, la révélation de l’Euro aura la lourde tâche de se faire une place dans un milieu napolitain déjà bien fourni. Et s’il y en a encore pour douter de son apport dans l’effectif de Sarri, patience. Bientôt, comme d’autres, ils ravaleront leurs doutes et critiques, s’inclinant devant ce petit milieu de terrain ultra-polyvalent, comme on n’en fait plus.

AV

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