Chère Premier League…
Il y a quelques semaines, nous écrivions à Christophe Dugarry. Un passage a heurté les passionnés de football anglais, jugeant nos propos méprisants. Nous leur répondons en nous adressant directement à la Premier League, à la première personne.
Chère Premier League,
Je crois que je t’ai vexée. C’est du moins, tant tes prétendants, tes admirateurs secrets ou déclaré m’ont fait de remontrances, ce que j’ai cru comprendre. Avouons-le, dans ma lettre à Christophe Dugarry, je n’ai pas été tendre avec toi. Pourtant, je pensais être le plus léger possible, prévoyant que n’importe quel mot trop blessant ou agressif serait retourné contre moi. Visiblement, cela n’a pas suffi. D’ailleurs, tes défenseurs les plus persévérants l’ont vite remarqué, ce n’était pas la première fois que j’effeuillais ton prestige et ta dignité.
Dans mon premier article, « Pourquoi la Serie A est (toujours) le meilleur championnat du monde« , je te traitais de « produit », bon à se faire vendre par Stéphane Guy au micro de Canal + par des envolées lyriques non justifiées. « Oh oui Marcel ! quelle action, quel spectacle, quelle rencontre !! Il n’y a qu’en Premier League qu’on peut vivre des instants magiques pareils. Vraiment, on se régale cet après-midi ! » devant une purge Aston Villa-Newcastle. Pire, je remettais en cause ton contenu, arguant qu’hormis tes 4 plus grands clubs, tu n’étais que néant tactique et défensif, un abîme où les milliards d’Euros s’écoulent, pour rien. Un gâchis. À l’époque, personne ne s’en était offusqué, la colère n’avait pas été partagée. Depuis, je n’ai jamais manqué une occasion de te montrer du doigt, pointant tes médiocres résultats sur le plan Européen ou encore les nombreux joueurs prometteurs que tu as engloutis et fait disparaître.
Forcément, j’ai exagéré le trait. D’abord parce que je suis toujours de mauvaise foi, parce que je n’aime pas les tièdes, mais aussi pour te faire réagir, croyant naïvement que mes paroles seraient entendues par quelqu’un, et peut être même par toi. Ne vois pas là des excuses, car tout ce que j’ai dit, je le pense. Je pense que ton emballage est trop reluisant pour ce que tu proposes, que l’on vante bien trop tes mérites, que tu as perdu beaucoup de jeunes joueurs promis à une grande carrière, que tes défenses et tes gardiens sont bien souvent indignes du « meilleur championnat du monde », que ton niveau tactique relève du bas de tableau de Ligue 1 et que tes dépenses d’argent arrivent à paraître indécentes dans un monde où l’indécence est la règle. Tu comprendras d’ailleurs pourquoi je suis ravi de voir le Leicester de Ranieri, avec son petit budget et son effectif « normal » te donner une petite leçon de football.
Chère Premier League, pourtant, cela n’a pas toujours été ainsi. D’ailleurs, pourquoi te le cacher, tu as été mon premier amour. À la fin des années 1990, je n’avais d’yeux que pour toi. Devant des matchs en direct ou attendant patiemment l’Equipe du Dimanche, ton simple nom me faisait vibrer. Si mon cœur penchait pour Manchester United, où Beckham, Scholes, Giggs, Teddy Sheringham ou encore Roy Keane étaient mes héros, tes illustres membres, fidèles et charismatiques, m’éblouissaient. Je pense à Alan Shearer, Dennis Bergkamp, bien que je n’ai jamais pu supporter Arsenal ou encore Jamie Carragher.
D’ailleurs, mon amour ne s’est jamais éteint pour Wayne Rooney, Franck Lampard ou Steven Gerrard. Des joueurs forts, élégants et fidèles à leur club. Des joueurs grâce à qui on aime encore le football. Quand je regarde la vidéo du dernier match de Gerrard à Anfield, je pleure encore, comme j’ai pleuré en direct.
Il n’y a pas que tes joueurs qui m’ont procuré des émotions. Des rencontres d’anthologie en Coupes d’Europe, tes chants incroyables, dans quasiment chaque stade, ton aspect populaire, à la portée de tous, tes frappes de loin, tes arbitres qui rigolent après des tacles à la gorge…
Tout a changé au milieu des années 2000. Tu es devenue de plus en plus arrogante, te proclamant la plus belle, la meilleure, te pavanant avec tes centaines de millions d’euros de droits télévisés et ta pléthore de joueurs à ne plus savoir qu’en faire. Et ton entourage n’a rien fait pour arrêter cette prise bien trop grande de confiance. Tous t’ont érigée en star, tu es devenue celle où les meilleurs devaient aller. Et puis le prix de tes places a commencé à augmenter, sérieusement, jusqu’à atteindre des tarifs exorbitants. Les raisons ? Faire du profit et faire chuter le hooliganisme qui te gangrenait. Tu as donc assimilé les pauvres à la violence, tu as fait du sport le plus populaire au monde un spectacle pour bourgeois.
Voilà pourquoi depuis quelques années je ne t’aime plus et, même, tu me dégoûtes un peu. C’est ça quand on est déçu, impossible de prendre les choses avec indifférence. Depuis, c’est l’Italie que j’aime et son championnat, la Serie A. Un jour je t’expliquerai pourquoi. Je l’aime plus que je ne t’ai jamais aimée et quand je repense à toi, je n’ai pas de regrets.
Ma chère Premier League, il faut que je te confesse une chose encore. Je n’ai jamais vraiment voulu me l’avouer, mais je crois que je suis un peu jaloux. Alors que ma Serie A est empêtrée dans les problèmes financiers, que ses stades sont rarement pleins et que les meilleurs joueurs du monde ont déserté la Botte, tu te promènes avec des enceintes rutilantes et pleines à craquer et garnie des plus grands footballeurs. Tout le monde ne parle que de toi, alors que tu ne le mérites plus. Qu’as-tu fait ces dernières années ? Où sont passés tes succès d’antan ?
Si je te dis cela, c’est parce qu’au fond j’ai encore un peu de tendresse pour toi : fais attention. N’écoute pas ceux qui disent que tu es la meilleure, que tu n’as rien à changer, que cela sera toujours ainsi. On a dit la même chose de la Serie A, elle s’est trop longtemps reposée sur ses lauriers et depuis 10 ans elle peine à s’en remettre. Chère Premier League, tu as tout pour toi, alors retrouve ce qui a fait ta force et reviens aux valeurs qui t’ont portée pendant tant d’années, avant qu’il ne soit trop tard.
Je t’embrasse