Lucas Varone, créateur de Super Football Club : « Petit, je confondais Bob Marley et Gullit »

Lucas Varone, créateur de Super Football Club : « Petit, je confondais Bob Marley et Gullit »

7 mars 2017 1 Par Nicolas Basse

Il est jeune, il est Franco-Italien et il est fondateur de Super Football Club, une application gratuite qui permet de savoir dans quels bars sont diffusés les matchs de vos équipes préférées. Lucas Varone nous parle de son appli, de championnat yougoslave et de sa folle soirée pour la finale France-Italie en 2006.

Quand as-tu commencé à aimer le foot ?

Mon premier véritable souvenir doit dater d’une finale de Coupe Intercontinentale, pour laquelle mon père me réveille à 7 heures du matin. Je me suis retrouvé devant l’AC Milan, avec ce bruit sourd des vuvuzelas dans le stade où se jouait cette finale. Mais le vrai déclencheur, c’est la Coupe du Monde 1990, que j’ai vécue sur place, en Italie, depuis la région de Naples d’où je suis originaire. C’était une folie totale.

Tu veux donc dire que ta famille est originaire de Naples mais que ton père supporte l’AC Milan ?

Non, c’est le contraire ! Mon père vient de la région de Naples et supporte l’Inter Milan, et moi je suis supporter de l’AC Milan. Le reste de ma famille supporte majoritairement la Lazio ou le Napoli. Mon père est Intériste parce qu’il a connu le football avec la grande Inter des années 1960 qui gagnait tout sous Herrera, tandis que moi c’est plutôt le Milan de Sacchi.

Penses-tu avoir choisi l’AC Milan par esprit de contradiction avec ton père ?

HAHA ! Inconsciemment, peut-être. Mais ce qui est également possible, c’est que j’aimais beaucoup Bob Marley à l’époque. Et petit, je confondais Marley et Ruud Gullit. J’ai dû fusionner les deux, faisant de Gullit un prolongement de Bob Marley.

Quand tu étais petit, ressentais-tu une forte passion du foot autour de toi ?

Déjà pour l’anecdote, il faut savoir que je suis né en 1982, soit l’année où l’Italie remporte son avant-dernière Coupe du Monde. Dans le 10ème arrondissement de Paris où j’ai grandi, j’étais dans une école avec une très forte communauté yougoslave. Avec la guerre, beaucoup arrivaient dans le coin. Du coup, pour nous, le championnat yougoslave était une réalité et représentait une ligue majeure. Dans la cour de récréation, pas mal d’enfants avaient des maillots du Partizan Belgrad ou de l’Étoile Rouge. Dès qu’il y avait la Coupe des Champions, une grande rivalité régnait, dès le CE1. Il y avait aussi pas mal de Portugais, avec le Benfica Porto, et la plupart des Français supportait l’OM.

Qu’as-tu fait après le bac ?

J’ai suivi des études de Lettres et d’audiovisuel. Je suis parti vivre à Rome, où j’allais le plus possible à l’Olimpico, notamment pour des Roma-Lazio ou des Roma-Milan. D’ailleurs, j’ai vécu dans le quartier où Francesco Totti a grandi : San Giovanni. C’est là, dans la rue, à coté de chez lui, que tu prends la mesure de ce qu’est une idole. Ce qu’il se passe lorsqu’il apparaît dans la rue… Dans ces moments-là, je ne regardais pas Totti, mais je regardais les Romains en train de regarder Francesco Totti. Je voyais vraiment dans leur regard quelque chose d’extraordinaire. Alors forcément, respect Capitano !

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Comment est née l’idée de Super Football Club ?

Il y a 10 ans lors de la Coupe du Monde 2006, je me suis retrouvé tout seul à Paris pour la finale Italie-France. Ma famille et mes amis étaient en Italie et à quelques heures du match, j’ai décidé de ne pas aller le voir dans les fanzones remplies de supporters de l’équipe de France. Au bout du compte, l’Italie gagne et je suis seul alors que je n’ai envie que d’une chose : célébrer la victoire, parler Italien et être entouré d’Italiens. Un peu ivre, je me rends Place d’Italie, en me disant qu’il y aurait peut-être un rassemblement d’Italiens. À l’époque, il n’y a ni Twitter ni Facebook et c’était compliqué de savoir où se passaient les choses. Et évidemment, il n’y avait personne !

De cette expérience, entre autres, j’en suis ressorti renforcé dans l’idée que regarder un match de football n’est pas un acte anodin. Et puis il y a eu l’avènement de nombreuses plateformes, notamment dans le participatif, où le principe était souvent de faire se rencontrer des personnes ne se connaissant pas dans un but social, pratique ou ludique. Il y avait l’occasion d’utiliser cette veine-là adaptée au football. Où voir le match, avec qui et dans quelles conditions ? Le football reste un des derniers événements qui réunit des personnes autour de la télévision.

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Je me suis dit : pourquoi ne pas créer une plateforme dédiée aux fans de football, où ils pourraient échanger, mais surtout s’organiser pour se rencontrer dans la vraie vie. En fait, je crois que ce qui marche, c’est ce qui crée des aller-retours entre le online et le offline. Parce que l’info est sur le net, mais l’expérience sociale réside dans la vraie vie.

Quel est le principe de l’application ?

C’est un agenda, avec le calendrier des matchs, les chaînes de diffusion et pour chacun des matchs les lieux qui les diffusent. Cela peut être des bars, des pubs et des restaurants mais aussi des lieux éphémères, des théâtres, des hôtels… Et puis des lieux privés. Les particuliers peuvent accueillir d’autres particuliers, amis ou inconnus fans de la même équipe. Du coup, un fan de foot peut sélectionner ses équipes préférées et à chaque match avoir la liste des endroits où regarder les matchs qui l’intéressent. L’application est vraiment simple et fonctionne avec la géolocalisation.

Quand as-tu créé l’application ?

J’en ai beaucoup parlé autour de moi, parce que contrairement à ce qu’on croit, il faut partager ses idées pour espérer qu’elles soient développées et trouvent des financements. Je n’allais pas la développer moi-même et je n’étais pas un expert en application. Alors en 2015 je me suis tourné vers des agences, et notamment Rosbeef, auprès de laquelle j’ai voulu valider mes hypothèses en termes de modèle économique et savoir comment on pouvait associer des marques. Rosbeef a trouvé le projet intéressant, notamment dans l’idée de développer un département football à un an de l’Euro. Du coup, j’ai pu profiter des ressources financières et humaines de Rosbeef pour développer la plateforme et en contrepartie j’ai travaillé pour eux sur plusieurs projets foots qui ont eu lieu durant l’Euro. On l’a fait avec une économie assez réduite mais avec de l’ambition, notamment celle de se dire que l’application peut s’exporter dans d’autres pays.

L’application marche-t-elle à l’étranger ?

En plus de l’application, on a le site web, ce qui nous permet de surmonter pas mal de freins. Trois semaines après notre lancement, on a vu qu’au fin fond de la Chine un fan club du PSG avait téléchargé l’application et avait réussi à réunir des fans du PSG dans cette zone-là. On constate aussi un engagement assez fort en Afrique et dans les différents pays francophones à travers le monde. C’est la preuve qu’il ne faut pas se limiter en terme de marché.

Quels sont les objectifs pour les mois à venir ?

Déjà, la notoriété ! Faire en sorte que tous les gens potentiellement intéressés par le service le connaissent. C’est aussi faire en sorte qu’on raconte mieux les histoires quotidiennes permises par l’application. Par exemple, chaque weekend, des fans d’équipes espagnoles trouvent des lieux pour se réunir et voir un Villareal-FC Barcelone un samedi midi dans des lieux espagnols. Des petits voyages quotidiens qu’on aimerait mieux mettre en avant. Et puis évidemment on aimerait que le site web se développe bien et que l’application s’installe chez les pays voisins !