Pauvre Monsieur Allegri

Pauvre Monsieur Allegri

10 février 2016 5 Par Nicolas Basse

Depuis 2010, Massimiliano Allegri a entraîné l’AC Milan pendant 3 saisons et demi et la Juventus 1 saison et demi. Son bilan ? Deux titres de champion d’Italie, deux Supercoupes d’Italie, une Coupe d’Italie et une finale de Ligue des Champions. Pourtant, le doute subsiste pour beaucoup : est-il vraiment un grand entraîneur ?

Nous sommes le 25 juin 2010 et l’AC Milan annonce l’arrivée de Massimiliano Allegri au poste d’entraîneur, occupé depuis un an par un Leonardo au bilan mitigé et en brouille avec la direction. À cette nouvelle, les supporters du club et de nombreux journalistes font part de leur scepticisme. Certes, Allegri est un ancien bon joueur de Serie B. Oui, il a réussi à faire monter Sassuolo en deuxième division avant de parvenir à la 9ème place du Calcio avec Cagliari en tant que coach. Mais il a été démis de ses fonctions lors de sa deuxième saison et il n’a qu’une faible expérience. Alors comment pourrait-il faire oublier Carlo Ancelotti dans un club aussi prestigieux que l’AC Milan et ne pas plier devant l’omniprésence de Galliani et de Berlusconi ?

Humblement et avec élégance, Allegri prend vite les rênes de l’équipe, jonglant entre sens de l’adaptation et force de caractère. D’un coté il passe doucement du 4-3-2-1 de Leonardo/Ancelotti à ses 4-3-3 et 4-3-1-2 et, de l’autre, il opère des choix forts, notamment en faisant peu appel à Andrea Pirlo dont le profil ne rentre pas dans ses schémas de jeu. Si sa première saison est réussie avec la victoire en championnat, la presse et les tifosi rendent surtout hommage aux joueurs, Zlatan Ibrahimovic et Thiago Silva en tête. Pour sa seconde année sur le banc Rossonero, Allegri est devancé par Conte et sa Juventus sur le retour mais remporte la Supercoupe d’Italie. Son Milan atteint les 1/4 de finale de Ligue des Champions au terme d’un joli parcours, sortant Arsenal et battu par Barcelone de peu.

La troisième saison du Toscan au club est marquée par les départs de Nesta, Zambrotta, Inzaghi, Gattuso, Van Bommel, Seedorf, Thiago Silva et Ibrahimovic. Autant dire quasiment tous les cadres. Malgré ces pertes, Allegri hisse Milan à la troisième marche du podium, derrière la folle Juventus de Conte et le Napoli de Mazzarri emmené par la triplette Lavezzi-Hamsik-Cavani. Pour certains, c’est une grande performance aux vues du chamboulement de l’effectif. Pour d’autres, Allegri n’arrive pas à confirmer ses débuts prometteurs. D’ailleurs, durant cette saison 2012-2013, les dirigeants commencent à se plaindre du niveau de jeu proposé et du parcours insuffisant en Ligue des Champions (battu par le Barca en huitièmes). Le 13 janvier 2014, après une demi-saison supplémentaire, Allegri est démis de ses fonctions. Une décision qui contente les supporters, agacés de la 10ème place du club à mi-saison et excédés par la mauvaise gestion du physique de certains joueurs, comme Stephan El Shaarawy et Alexandre Pato qui après avoir joué énormément de matchs enchaînent les blessures. Après 179 matchs sur le banc de l’AC Milan, Allegri part avec la conscience tranquille : un taux de victoire de 51,40% et les deux derniers trophées d’un club qui peine encore aujourd’hui à retrouver les sommets.

Le poids de l’héritage

En juillet 2014, les supporters et les joueurs de la Juventus sont sous le choc : Antonio Conte quitte le club et va prendre la tête de l’équipe nationale. Quand ils apprennent que son successeur n’est autre que Massimiliano Allegri, les juventini voient la nouvelle comme un net manque d’ambition de la part du club. Comment un entraîneur viré par Cagliari lors de sa seconde saison et remercié par l’AC Milan pourrait prendre la suite d’un homme aussi charismatique que Conte ?

Un an plus tard, la Juventus termine la saison en ayant remporté le triplé Scudetto/Coupe d’Italie/Supercoupe (le troisième de l’histoire du club et le premier depuis 1995) et en ayant disputé une finale de Ligue des Champions (perdue contre le FC Barcelone). Seulement, pour beaucoup, ce succès n’est dû qu’au travail de Conte sur lequel Allegri se serait « reposé » : maintien du 3-5-2, esprit d’équipe et de victoire insufflés par Conte et perpétués par les cadres du groupe… D’ailleurs, ni la FIFA ni l’UEFA ne le récompensent pour sa magnifique année. En même temps, il aurait fallu être un piètre entraîneur pour ne pas s’appuyer sur dynamique telle que celle initiée par Conte ! Autres bon points au crédit d’Allegri : c’est lui qui met en place le 4-3-3 et le 4-3-1-2 à plusieurs reprises, notamment en Europe où Conte se cassait les dents, et il s’adapte au rôle central de Pirlo dans l’équipe.

Alors comment quantifier l’influence d’Allegri dans la saison post-Conte et être certain qu’un entraîneur moyen n’aurait pas lui aussi surfé sur la vague de son illustre prédécesseur ? Attendre. À l’intersaison, Tevez, Vidal et Pirlo quittent le club tandis que Khedira, Zaza et Mandzukic arrivent, ainsi que les deux pépites Dybala et Rugani. Forcément, la perte des cadres bouleverse l’équipe et le début de saison s’en ressent : la Juventus n’est qu’à la 15ème place après 5 journées. Tout est à reconstruire, l’ère Conte s’éloigne. Il n’en faut pas plus pour que de nombreux observateurs et supporters pointent Allegri du doigt : pourquoi ne fait-il pas plus jouer Dybala et Rugani ? Comment a-t-il brisé l’alchimie du groupe ?

L’histoire sans fin

Le 7 février 2016, la Juventus bat Frosinone et aligne son 14ème succès de rang, le record du club. Les bianconeri sont à deux longueurs d’un Napoli survolté, Dybala est en feu et Rugani grappille des bouts de matchs, apprenant auprès de la BBC et attendant son heure. Pourtant, il suffit d’un match médiocre ou d’une blessure pour raviver la méfiance de certains, alors qu’Allegri a fini par se mettre la Curva dans la poche : si Chiellini s’est blessé à sa reprise, c’est parce que le Toscan ne sait pas gérer le physique de ses joueurs et, de toute façon, la série de victoires est principalement due à une reprise en main de l’équipe par les joueurs.

Avant d’affronter le Bayern Munich en 1/8 de finale de Ligue des Champions, Allegri a encore du travail pour convaincre les sceptiques, malgré ses 66,67% de victoire en 90 matchs avec la Juventus. Si jamais il laisse Naples s’envoler en Serie A et perd contre le Bayern, son sort sera scellé. S’il passe en 1/4 et remporte le championnat, certains réussiront encore à y voir la trace de Conte et la force d’un groupe plus que son empreinte. Pauvre Monsieur Allegri…