« J’ai voulu créer un maillot qui rende hommage à la diaspora italienne »

« J’ai voulu créer un maillot qui rende hommage à la diaspora italienne »

8 novembre 2015 5 Par Nicolas Basse

Le football, en plus de ne pas être réservé aux beaufs, est un sport qui inspire les artistes. Des films, des livres, des chansons y ont été consacrés, mais aussi des objets plus insolites comme le maillot « diaspora » de Paolo Del Vecchio. Nous l’avons rencontré.

Peux-tu te présenter ?

J’ai bientôt 25 ans, je suis rédacteur pour Calciomio, j’écris un peu pour Onze Mondial et je fais des études d’Art et Design à l’école supérieure d’art de Lorraine, à Metz. J’ai la double nationalité franco-italienne et 3 de mes 4 grands-parents sont Italiens. J’ai été élevé à l’italienne (cuisine, football) et je me sens au moins autant Italien que Français. Je suis plutôt supporter de la Juventus (même si j’ai de l’affection pour Sassuolo et que j’apprécie toutes les équipes italiennes) car historiquement c’est le club qui fournit le plus de joueurs à la Nazionale, mais c’est surtout l’équipe nationale dont je suis fan. Dans les sélections il n’est pas question d’argent, de métier, de sport professionnel. C’est une histoire d’honneur, d’orgueil.

Un souvenir, un joueur qui t’ont marqué ?

Le penalty de Grosso qui donne la Coupe du Monde 2006 à l’Italie. C’est le moment où j’ai ressenti les émotions les plus fortes de ma vie. En plus contre la France, je l’ai vécu comme une revanche par rapport à toutes les remarques et clichés négatifs dont j’avais été l’objet en France où Italien veut dire voleur, corrompu… Pour les joueurs je dirais sans hésiter Pirlo et Buffon, mes dieux.

En quoi consistent des études d’art et de design ?

Il s’agit de création dans tous les domaines artistiques. J’ai des cours de dessin, de volumes, de design éditorial… Le but est d’avoir les outils pour faire ce qu’on veut et de développer notre façon de travailler. Personnellement, je fais surtout du design d’objets. Par exemple, l’année dernière, on nous avait donné à faire un projet autour du thème « s’accrocher ». J’ai créé des bagues en bois pour évoquer l’expression « toucher du bois », une croyance qui dure depuis des siècles et qui reste.

Parle-nous du maillot que tu as créé

C’est un projet qui parle autant de mon histoire que de celle de mon pays, puisqu’il concerne la diaspora italienne, ces Italiens qui ont quitté le pays à la fin du 19ème siècle et pendant le 20ème. Je connais bien cette histoire, puisque mes deux grands-pères ont quitté l’Italie pour venir en France. C’est à eux que j’ai pensé en créant ce maillot. Les Italiens émigrés ont toujours gardé un attachement profond à leurs racines et l’ont transmis à leurs enfants et petits-enfants. Un des symboles de cet attachement est l’équipe nationale, une des seules choses capable de relier toutes ces personnes à travers le monde, d’autant plus qu’elle représente la culture de la gagne et qu’elle rend fier.

Coté droit

J’ai voulu rendre hommage à la diaspora avec un maillot, l’objet phare du supporter et le signe d’une appartenance à une culture. J’ai donc dessiné un maillot ressemblant à ceux utilisés à la fin des années 1940 avec des manches longues et un col particulier. La couleur se rapproche du maillot de 1970 et de 1990, puisque c’est un bleu roi. Ce n’est pas une copie mais plutôt un clin d’œil. Sur ce maillot, j’ai réalisé le motif d’un planisphère qui en fait tout le tour. Ce planisphère est sillonné par une sorte d’onde circulaire partant de l’Italie. L’onde est plus marquée lorsqu’elle traverse des pays où la diaspora italienne a été importante, comme l’Argentine, l’Allemagne, la Suisse, la France ou la Belgique.

Comment a-t-il pris forme ?

J’ai commencé par le dessiner. Je suis ensuite allé voir une couturière en lui expliquant mon projet. Nous avons créé un prototype sur mesure pour moi, établi des tests et quelques modifications, j’ai composé le motif et la version définitive est sortie il y a quelques jours.

Quelle est l’actualité de ton maillot ?

Il est en ce moment même exposé à l’expo foot fair-play à Braine-le-Compte en Belgique, la ville natale des frères Hazard. D’ailleurs mon maillot est juste en face d’un maillot porté par Pelé, j’en suis assez fier et impressionné. Après… Suspens. J’ai quelques projets mais rien d’officiel.

On peut donc parler de football à travers l’art ?

Bien sûr ! Avant d’être un sport business récupéré par le capitalisme, c’est surtout un vecteur social incroyable qui a le pouvoir de réunir les gens. L’art ne peux pas passer à coté de quelque chose d’aussi fort. Par exemple, j’aime beaucoup la série photo de Renato Stockler consacrée aux terrains de football à Sao Paulo. Des prises de vue aériennes où l’on voit des terrains au milieu de bidonvilles absolument pas droits, avec des lignes tracées à la main, un peu de sable, un peu d’herbe… Et ces terrains sont au centre de ces villes de fortune. Ils servent de lien et d’échappatoire à la population. Les images parlent d’elles-mêmes. C’est fort.

As-tu d’autres réalisations consacrées au foot ?

De fini, j’ai un jeu des sept familles avec des joueurs des 7 grands clubs d’Italie ainsi qu’un nuancier sur des clubs Italiens où j’ai voulu représenter le caractère et l’identité des équipes à travers des tissus et des couleurs. En projet, je travaille sur une lampe murale dédiée au cucchiaio (panenka) de Pirlo contre l’Angleterre en 2012. La structure reproduit la courbe de sa frappe et l’intensité lumineuse varie en suivant cette courbe et représente le niveau de suspens centième par centième au cours de la frappe.

Que peut-on te souhaiter pour cette année ?

Je passerai mon diplôme pendant l’Euro 2016. J’aimerais bien avoir deux raisons d’ouvrir le champagne… (rires)

@nicolas_basse