Le cimetière anglais

23 septembre 2015 4 Par Nicolas Basse

La Premier League était leur rêve, c’est devenu leur tombeau. Passage en revue de ces joueurs pour qui l’Angleterre a été fatale. Très peu en sont ressortis vivants.

Eric Lamela (23 ans. Milieu offensif. Tottenham)

Arrivé de River Plate en 2011 contre 15 millions d’euros et décrit dans les médias comme un gaucher fantasque, doté d’une technique hors-pair, le natif de Buenos Aires ne tarde pas à faire ses preuves avec l’AS Roma. En deux ans, il marque 25 buts, enflamme l’animation offensive de la Louve et s’impose comme un des meilleurs jeunes au monde à son poste. Conscient du potentiel du joueur et jamais dernier quand il s’agit d’aligner les billets, Tottenham pose 31 millions d’euros (plus 5 de bonus) pour l’enlever de Rome. Le but ? Faire oublier Gareth Bale, tout juste parti au Real Madrid et empiler les joueurs sans trop savoir qu’en faire : une des grandes passions des clubs Anglais. Seulement voilà, Vilas-Boas, Sherwood puis Pochettino ne lui accordent qu’un très faible temps de jeu, lui préférant Lennon, Bentaleb, Chadli ou encore Defoe, surement alignés pour leur capacité à courir droit en six mètres. Remplaçant, puis blessé, puis remplaçant, Lamela profite de son maigre temps de jeu en Europa League pour faire briller son talent, à l’image de son but en coup du foulard de 20 mètres.

État actuel : Dans les limbes, à regarder Dembélé claquer des frappes en touche. Un talent gâché. Récupérable ? On y croit.

Étienne Capoue (27 ans. Milieu défensif. Watford FC)

Quand il quitte Toulouse pour rejoindre Tottenham (décidément) en 2013, Capoue sort de deux saisons monstrueuses, au point que les rumeurs l’ont envoyé à Chelsea et au FC Barcelone, affiche 200 matchs de L1 et un statut de milieu tentaculaire sur sa carte de visite. Surtout, il fait partie des prétendants sérieux au poste de titulaire au milieu de terrain en Équipe de France pour la Coupe du Monde 2014 après 5 sélections très convaincantes. Deux ans plus tard, Capoue n’a plus jamais connu une sélection, n’a pas participé à la Coupe du Monde et a joué seulement 32 matchs, toutes compétitions confondues, en deux saisons. En 2015, il s’enterre définitivement à Watford où il voit ses coéquipiers courir partout, sans logique, et sauter le milieu de terrain par de subtiles chandelles destinées aux attaquants.

État actuel : Mort. De grand espoir du football français, Capoue est tombé au rang de mercenaire, parmi tant d’autres, parti étoffer son portefeuille dans un club promu en Premier League. Lent, affaibli techniquement, ayant perdu sa vision du jeu, il n’est plus que le fantôme du grand joueur qui régnait sur la Garonne, le Midi-Pyrénées et sur les milieux de Ligue 1.

Marouane Chamakh (31 ans. Attaquant. Crystal Palace)

Juin 2009 : Le lendemain du doublé Championnat/Coupe de la Ligue avec Bordeaux. Une saison durant laquelle il marque 20 buts toutes compétitions confondues. Rapide, puissant, dominant le jeu aérien, il fait partie du top 3 des attaquants de la Ligue 1. Fort de sa belle année, il explique pourquoi il ne part pas : « Je vais rester à Bordeaux. Je veux faire partie du club. J’aime l’esprit de l’équipe. C’est vrai que j’ai voulu partir en Premier League, mais je dois quelque chose à Bordeaux, mon club formateur.« 

Juin 2010 : Après une 6ème place en Championnat et un quart de finale en LDC, compétition où il marque à 5 reprises. Ému, il annonce son départ : « Arsenal, c’est un club formidable. Je l’adore depuis longtemps, je vais enfin réaliser mon rêve. Son style de jeu va bien me correspondre. J’aime la Premier League depuis tout petit. J’espère que j’y prendrai beaucoup de plaisir et que je me sentirai aussi bien qu’aux Girondins ».

Février 2014 : En trois ans passés à Arsenal, Chamakh ne joue que 67 matchs pour 14 buts. Prêté six mois à West Ham, il est finalement transféré à Crystal Palace. Juste avant d’affronter les Gunners, il s’explique sur son manque de réussite sous les ordres de Wenger : « Ici, je suis davantage en confiance parce que je joue plus de matches. À Arsenal, je jouais peu et je n’avais pas vraiment la confiance du coach. On peut dire que mon passage là-bas a été une période d’apprentissage du jeu Anglais ». Trois ans pour apprendre la combinaison chandelle/jeu de tête, c’est long quand même.

Juillet 2015 : 54 matchs et 8 buts pour Crystal Palace plus tard, à 31 ans, le Franco-Marocain s’interroge, mais reste volontaire : « Rejoindre l’Angleterre, une erreur ? Je ne pense pas. C’était un défi qui m’excitait. Et puis maintenant je suis bien intégré dans l’équipe, on vient avec des ambitions. Notre système de jeu est simple et je peux bien m’y insérer« .

État actuel : Crucifié. Encore vivant, Marouane souffre et sait qu’il est trop tard pour échapper à son destin. L’Angleterre l’a gâché. Des centres de qualités, il n’en reçoit pas; des ballons dans les pieds, il ne fait qu’en rêver. Malheureusement, on ne le voit pas faire un retour en France. Seule échappatoire ? La Chine, le Qatar ou… la Suisse, à la Hoarau.

Emmanuel Rivière (25 ans. Attaquant. Newcastle United)

Le pauvre, il n’a même pas eu sa chance. La Premier League l’a pris et l’a mis à la poubelle, directement. Pourtant, Rivière n’avait pas été trop vite. Six ans à Saint-Étienne, son club formateur, deux ans à Toulouse, dans le ventre mou du classement et une saison brillante à Monaco, en 2013-2014, où il finit meilleur buteur du club avec 13 buts et contribue à la surprenante deuxième place du club en championnat (pour son retour dans l’élite). À 23 ans, il affiche toutes les qualités d’un futur grand attaquant : rapide, bon dribbleur, sérieux devant le but et complet (tête, pied gauche, pied droit). C’est donc tout naturellement que Newcastle, cherchant à renforcer son secteur offensif, propose 8 millions d’euros à Monaco pour s’octroyer les services d’un joueur qui fait baver d’envie de nombreux clubs Français. Offre acceptée, Rivière part dans le nord de l’Angleterre en juillet 2014 et rejoint la colonie Française (Cabella, Gouffran, Obertan, Haïdara…).

État actuel : Séjourne en enfer. Deux ans après son départ pour l »‘aventure Anglaise », Rivière n’a joué que 28 matchs et marqué… 3 buts, dans une équipe où il devrait faire figure de titulaire indiscutable. Plus dur, il a été élu « pire recrue de Premier League » par le Daily Mail. Elle est loin l’époque où il frappait à la porte de l’Équipe de France et slalomait entre les défenseurs et les gardiens de Ligue 1. Une descente aux enfers en bonne et due forme.

Mamadou Sakho (25 ans. défenseur central. Liverpool FC)

Comme le souligne/beugle continuellement Stéphane Guy au micro de Canal +, le championnat Anglais est généreux. C’est pour ça qu’en plus d’enterrer des milieux et des attaquants, la Premier League plombe aussi les bons défenseurs. Et qu’on ne vienne pas nous dire que la situation incombe à leur niveau de jeu. Une preuve ? Mamadou Sakho. Sa jeunesse se résume à Paris. Paris FC puis Paris-Saint-Germain, club dans lequel il reste 11 ans. Après avoir fait figure de modèle de la formation Parisienne, il s’impose progressivement dans le Onze de la capitale et côtoie Alex et Thiago Silva (et Papus Camara). Son avenir est écrit : avec Varane, il formera la charnière de l’Équipe de France pour la décennie à venir et sera titulaire dans un des plus grands clubs du monde. Seulement, en août 2013, c’est Liverpool qui offre 23 millions d’euros au PSG pour recruter le gaucher. Si sa première saison rime avec blessure et temps d’adaptation, elle rappelle surtout un des grands moments du football Français : la victoire 3-0 contre l’Ukraine en barrage retour pour la Coupe du Monde pendant laquelle il marque un doublé. Véritable héros Français, le Parisien peine pourtant à s’imposer dans son club outre-manche.

État actuel : Dans le formol. De manière tout à fait incompréhensible, l’entraîneur des Reds Brendan Rodgers a toute confiance en sa charnière Lovren (30 millions d’euros/mauvais)-Skrtel (20 csc depuis son arrivée à Liverpool). Barré par ces deux défenseurs qui feraient banquette dans n’importe quel club de Serie A, Sakho patiente, coupe les citrons et grignote quelques matchs en Coupe et en Europa League. Très peu pour le deuxième meilleur défenseur tricolore de l’époque. Mamad’ ne pourra pas rester éternellement dans cette situation.

Stevan Jovetic (25 ans. second attaquant. Inter Milan)

Enfin l’occasion d’enlever son costume noir, Stevan est en vie. Le soulagement est d’autant plus grand que nous avons bien failli le perdre pour toujours. Quand il arrive du Partizan Belgrade à la Fiorentina en 2008, il suffit de quelques journées pour que le monde du football tombe d’accord : le Monténégrin est un des meilleurs à son poste, un génie. Rapide, doté d’une lourde frappe et illuminant les rencontres de fulgurances techniques, le joueur des Balkans marque 52 buts en 130 matchs pour la Viola et rentre dans le cœur des tifosi Florentins. Au bout de cinq années de bons et loyaux services, il s’envole pour Manchester City, dont les 30 millions d’eurosfont céder la Fiorentina. Sa première saison, il l’entame avec une blessure mais la finit plutôt bien avec 6 buts en 18 matchs. Auteur de très bonnes performances lors des amicaux d’intersaison 2014-2015, il est pourtant relégué par Pellegrini derrière Aguëro, Dzeko et… Bony ! Autant dire qu’il joue très peu. Heureusement, un homme croit encore en lui. Cet homme, c’est Roberto Mancini, nouveau coach de l’Inter qui arrive à se faire prêter le joueur, avec une option d’achat. Une opération facilitée par le passé du Mister à la tête de Manchester City. C’est comme ça que, le 26 juillet 2015, Jovetic atterrit à l’Inter avec une seule ambition : relancer sa carrière et prouver qu’il est toujours ce feu follet inarrêtable.

État actuel : Ressuscité. En 4 matchs avec les Nerazzurri, Jovetic a inscrit trois buts et forme, avec Icardi et Perisic, un trio offensif de feu. Il est pour beaucoup dans le début de championnat en fanfare des Intéristes, qui ont remporté tous leurs matchs depuis la reprise de la Serie A. Il ne fait aucun doute que l’Inter lèvera l’option d’achat pour s’offrir définitivement les services du Monténégrin. Alléluia.

Juan Cuadrado (27 ans. milieu offensif. Juventus FC)

Un des nombreux talents dénichés par l’Udinese. Peu utilisé dans le Frioul, il est prêté à Lecce puis vendu à la Fiorentina (en copropriété) contre 5 millions d’euros en 2012. En Toscane, coté droit, la Vespa régale. Accélérations, dribbles chaloupés, feintes de corps, frappes lointaines, passes décisives, le colombien devient indispensable. En 2013-2014, il est élu dans le Onze type de la Serie A. Pour couronner le tout, il éclabousse la Coupe du Monde 2014 de son talent avec une Colombie de feu, emmenée par James Rodriguez, et termine meilleur passeur de la compétition. Resté à la Fiorentina pendant le mercato d’été, malgré des offres de Barcelone et de Manchester United, il quitte le club l’hiver suivant pour Chelsea contre 36 millions d’euros. En six mois, il cire le banc de touche et ne convainc pas Mourinho. Pourquoi ? Aucune idée. Son calvaire prend fin très vite, puisqu’il est prêté cet été à la Juventus.

État actuel : Au purgatoire. Après avoir connu l’enfer Londonien, Cuadrado respire à Turin, où il apporte de la fluidité et un brin de folie sur son coté droit avec Lichsteiner. Pour autant, qu’il ne s’enflamme pas, car le purgatoire n’est qu’une étape, et la Juventus ne lèvera l’option d’achat de 24 millions d’euros qu’à condition d’un comportement et de performances de haute qualité.