Foot culture #1. Tragédie

Foot culture #1. Tragédie

16 décembre 2014 1 Par Nicolas Basse

Chaque numéro de foot culture sera consacré à une oeuvre culturelle liée au football. C’est Dans la foule de Laurent Mauvignier qui inaugure cette rubrique, avec en toile de fond le drame du Heysel.

Le 29 mai 1985 se joue la finale de la Coupe d’Europe des clubs champions au stade du Heysel, à Bruxelles, entre la Juventus et Liverpool. Les Italiens sont emmenés par Cabrini, Scirea, Platini, Paolo Rossi et Boniek et les Anglais par Phil Neal, Kenny Dalglish et Ian Rush, forts de quatre titres dans la compétition entre 77 et 84. 60 000 spectateurs sont attendus pour « le match du siècle » entre les deux plus belles équipes du moment.

Voilà, c’est là que commence Dans la foule, quelques heures avant le début du match. Les différentes voix qu’emprunte le roman composent un chœur de versions qui s’entremêlent. Il y a Jeff et Tonino qui arrivent de France un peu par hasard, Geoff et ses frères de Liverpool après un périple alcoolisé, Tana et Francesco d’Italie pour leur voyage de noce. Seuls Gabriel et Virginie sont Belges. Aucun ne sera le même après le drame.

Ce drame, climax du roman, n’occupe que quelques pages centrales du livre. Denses, bestiales, douloureuses. Alors que les esprits s’échauffent entre supporteurs des deux équipes, des hooligans des blocs Y et X chargent en direction de la tribune Z, constituée de Belges et de Turinois. Une prise de tribune typique de la mouvance ultra violente. Face aux barres de fer, couteaux et poings américains, les spectateurs se précipitent à l’extrémité opposée du bloc Z. Seulement, les portes donnant accès à la pelouse sont fermées. 39 personnes trouvent la mort piétinées, asphyxiées, frappées et 600 sont blessées. Des minutes cauchemardesques qui durent une éternité.

Mais là où un roman misérabiliste et accusateur s’arrêterait à la condamnation des supporteurs anglais et sur l’apitoiement des êtres perdus, Dans la foule prend le parti de raconter ce qu’il y a de plus émouvant. L’après. La vie qui continue, même si elle sera marquée à jamais. Le pire du football, de la bêtise humaine n’est pas une fin. Des séquelles, il y en aura. Pour Geoff, qui ne comprendra jamais pourquoi il s’est laissé entraîner dans une telle violence par ses frères. Pour Tana, qui pensait ne plus jamais pouvoir aimer un homme. Ou pour Jeff, dont les rues sombres de Bruxelles furent une prison durant de longues nuits.

Comme le Heysel, Dans le foule ne peut pas s’oublier. Voilà un livre qui ne se lit pas mais qui se vit, à un rythme haletant.